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vendredi, décembre 27, 2024
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« Youth », ô jeunesse ennemie

Youth De Paolo Sorrentino

Paolo Sorrentino, nouvelle coqueluche du cinéma italien, revenu du carton de « La grande bellezza », enchaîne avec son second long métrage en langue anglaise. Le résultat est poussif, malgré un casting qui se veut prestigieux.


La pression était-elle trop grande après le succès critique et public de « La grande bellezza » ? Sorrentino était-il tenté par un peu de cette frivolité évoquée par les personnages de Michael Caine et Paul Dano ? On est bien obligé d’appréhender « Youth », le moins bon de ses films, le plus confus sur le plan thématique, le plus repoussant sur le plan esthétique, comme une sorte de récréation, une échappée bucolique, une parenthèse légère. Susceptible de plaire à ce public qui aime retrouver les obsessions et les routines d’un auteur, sans se soucier de leur redondance ou de leur traitement paresseux.

Youth De Paolo Sorrentino
Youth De Paolo Sorrentino

Le scénario de « Youth » convoque sans surprise la figure vieillissante et pétrie de questionnements que l’on retrouve chez Sorrentino depuis « Les conséquences de l’amour ». Auparavant épousée avec grâce par Toni Servillo, fidèle du réalisateur, elle est ici incarnée en alternance par Michael Caine, compositeur et chef d’orchestre à la retraite, et Harvey Keitel, cinéaste. Deux artistes à la septantaine bien entamée, en vacances dans un grand hôtel suisse, qui doivent composer avec leur âge avancé, leur passé tumultueux, et la critique qui considère l’un comme un génie, l’autre comme un raté. Fred Ballinger (Michael Caine) est approché par un émissaire de la reine d’Angleterre qui souhaite l’anoblir et le voir diriger sa plus fameuse composition. Il refuse, persuadé que seule son épouse, chanteuse lyrique dont il est séparé, serait à la hauteur pour son interprétation. Quant à Mick Boyle (Harvey Keitel), il rêve d’un grand retour sur les écrans avec une œuvre définitive, une démonstration éclatante qui prouverait la persistance de son talent. Pour ce faire, il s’entoure d’une équipe de jeunes scénaristes, qui ne semblent pas mieux placés pour affronter l’angoisse de la page blanche.

Youth De Paolo Sorrentino
Youth De Paolo Sorrentino

Car « Youth », ce n’est pas que la jeunesse fuyante de vieux intellectuels grognons, émoustillés par la plastique indécente d’une Miss Univers de passage dans leur pension cinq étoiles. Ce sont aussi les générations suivantes, la relève, sur lesquels ils craignent de laisser une empreinte catastrophique. Et le passage de témoin semble mal emmanché : la fille de Ballinger (Rachel Weisz) se fait brusquement plaquer par le fils de Boyle. Elle rejoint les deux hommes pour un décrochage sentimental qui ne sera pas du goût de son paternel, inquiet de voir sa propre histoire se répéter. Il confie ses doutes à un jeune acteur (Paul Dano), rassurant de prime abord, mais lui-même atteint par le vague à l’âme artistique : prisonnier depuis des années du personnage qui a fait son succès, il cherche à casser son image de jeune premier et à perfectionner aux contacts des autres pensionnaires l’interprétation d’un rôle proche du mal absolu (ce qui ne manquera pas de provoquer au passage un certain malaise à l’heure du petit déjeuner).

Youth De Paolo Sorrentino
Youth De Paolo Sorrentino

Comme à son habitude, Sorrentino fait sa petite cuisine avec son lot de visions décalées, de dialogues débridés et de références musicales pointues (on aperçoit même Mark Kozelek en guest-star, à la guitare, au bord de la piscine). Mais la sauce ne prend pas, la faute à une écriture laborieuse, trop explicite, et à une mise en scène maniérée flirtant avec le kitsch et le mauvais goût, qui siphonne le potentiel émotionnel du film. Par exemple, cadre de cure thermale oblige, les nombreux plans aquatiques qui ont pour fonction malicieuse de rendre les jolis corps disgracieux sont comme autant de rappels appuyés, agaçants, à l’opposition entre jeunesse et vieillesse, une thématique qui n’aura échappé qu’au spectateur distrait ou somnolent. On connaissait le cinéaste pour une subtilité qui fait ici défaut. Plus regrettable encore, il rate de peu l’occasion de rendre véritablement angoissant le paysage suisse, essentiellement cantonné à un décor de carte postale alors que l’on entrevoit par endroits le potentiel de le transformer en prison dorée, à la façon de « La montagne magique » de Thomas Mann. Dommage. Il serait peut-être temps pour Sorrentino de changer son fonds de commerce et de mettre un terme à ses tentatives de déclinaisons multiples d’un seul et même thème.

Youth
De Paolo Sorrentino
Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda
Praesens
Sortie le 09/09


YOUTH – Trailer VOSTFR par TheDailyMovies

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