Même si l’on ne considère que ses derniers films, Stéphane Brizé semble toujours vouloir intellectualiser ses ouvrages et les habiller d’un aspect conceptuel.
Un procédé payant jusqu’alors mais déplacé ici. « Mademoiselle Chambon » proposait de redécouvrir le couple Vincent Lindon – Sandrine Kiberlain après leur séparation à la ville, « Quelques heures de printemps » privilégiait les plans-séquences pour évoquer l’euthanasie et « La Loi du marché » plaçait Vincent Lindon au milieu d’un casting d’amateurs pour exposer les dommages collatéraux du capitalisme. « Une vie » ne déroge pas à la règle mais accuse les limites d’un système. Le cinéaste aborde le film en costumes en usant d’une grammaire cinématographique peu commune pour le genre. C’est dans un format d’image carré, en caméra à l’épaule, avec peu de lumière additionnelle et en se refusant de cadrer ses acteurs de face que le réalisateur adapte « Une Vie » de Guy De Maupassant. Un roman du dix-neuvième siècle racontant la triste destinée d’une femme promise à de beaux jours mais broyée par les vices de son entourage intime. Comme le rythme est lent et les scènes très étirées, le spectateur aura tout loisir de se demander si toutes ces contraintes ne jouent pas contre le film. Lorsque l’auteur met en scène le pire de cette histoire en quelques brefs plans fixes et passe les détails sordides sous ellipses, ses idées fonctionnent mais quand il s’étale sur des séquences qui ne nourrissent que pauvrement l’intrigue, ses petites manies s’épuisent et ennuient. Malgré une excellente distribution, un très bon travail d’écriture et de direction d’acteurs, une approche moins cérébrale aurait donné un supplément de cœur à une adaptation qui le méritait.
Une Vie
De Stéphane Brizé
Avec Judith Chemla, Yolande Moreau, Jean-Pierre Darroussin
Xenix Film
Sortie le 23/11
