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Torque

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Torque

Même un blockbuster moderne ultra-marketé peut se vautrer dans la nanardise la plus crasse. La preuve avec cette ode aux motards et au placement de produits, qui vient tapiner sur les plates-bandes de Michael Bay avec des scènes « What the fuck » d’anthologie !


PRODUIT FORMATE
« Torque » ou l’archétype du nanar bling-bling et carpe diem, le film ultime sur l’univers des motards poussant sa logique commerciale jusqu’à l’extrême pointe du n’importe quoi, un programme plein de bruit et de fureur qui va à fond la caisse pour tenter de faire oublier le vide et l’inanité profonde de son entreprise. « Torque », c’est une célébration vibrante, pétaradante et vrooomesque de la branchitude et de la coolitude des motards, ces fringants chevaliers des temps modernes qui font de la route leur biatch.

Alors bon, voilà, je vous vois venir, vous et votre vision étriquée du monde, avec votre triste cortège de stéréotypes et d’a priori. Pour vous un motard c’est un gros barbu en cuir crasseux, maqué à une radasse édentée, chevauchant une Harley pétaradant fièrement sur les routes sinueuses de la liberté, de l’alcoolisme et d’une mort précoce. Sauf que « Torque » date de 2004 et que MTV, la Playstation et le R’N’B sont passés par là…

Au niveau histoire, du classique, avec un biker qui revient en ville chercher sa meuf et régler quelques comptes avec le grand méchant, qui va lui coller sur le dos une bande de motards rappers (!?), dirigée par Ice Cube (!!??) et nommé les… « Reapers » (reaper, rapper, jeux de mot !). Cible de deux bandes rivales assoiffées de violence, il lui faut prouver au plus tôt son innocence, échapper aux agents du FBI lancés à ses trousses à travers le désert et convaincre sa chérie de lui donner une seconde chance. Vous l’aurez compris, ce scénario de borne d’arcade n’est qu’un prétexte pour nous montrer un maximum de courses-poursuites trépidantes, cascades au ralenti et autres séquences où la carrosserie rutile sous le soleil et où la caméra bouge dans tous les sens sur de la musique de djeun’s qui fait boum-boum. Les geeks les plus éclairés auront reconnu la patte du producteur Neal H. Moritz, à l’origine de franchises aussi lucratives et décérébrées que « Fast & Furious » ou « xXx », qui choisit ici de confier la mise en scène au jeune réalisateur de clips Joseph Kahn pour un résultat propre à réjouir les fans de Michael Bay.

Torque

MOTARDS 2.0
Techniquement, rien à redire : malgré un nombre de plans impressionnant et un montage frénétique, l’action reste toujours extrêmement fluide et lisible (contrairement à un tâcheron comme Uwe Boll). En revanche, là où la forme s’expose aux quolibets, c’est quand elle semble ne plus vivre que pour elle-même et s’enfonce dans l’auto-parodie. Séquences tape-à-l’oeil et m’as-tu-vu qui friment jusqu’à l’absurde, effets choc appuyés à grand renfort de whooooosh sonores, esthétique incroyablement vulgos : Joseph Kahn ne semble poursuivre d’autre but que celui de la surenchère permanente dans le mauvais goût.

La cerise sur le gâteau vient du nombre élevé de scènes où les CGI étalés à la truelle numérique prennent le relais des prises de vue live pour matérialiser des cascades et des mouvements de caméra irréalisables, et dont le côté volontairement WTF reste l’objet de spéculations. C’est dans ces moments d’intense n’importe quoi que la nature outrageusement too much de « Torque » atteint son paroxysme, quand on n’est même plus dans le comic-book mais carrément dans le cartoon (le duel entre les copines du gentil et du méchant, la poursuite en ville…).

En outre, « Torque » offre une vision de l’univers des motards incroyablement fantasmée. En gros, c’est Barbie & Ken à moto, mais un Ken avec une barbe de trois jours et un blouson estampillé Carpe Diem et une Barbie mécano en cuir. La bikesploitation des années 2000, c’est un défilé d’éphèbes aux p’tits culs admirablement moulés dans des futals sans un grain de poussière dessus, et de biatches lascives et peu farouches qui mouillent dès qu’un moteur rugit.

Ciblant de toutes ses forces le jeune public avide de sensations fortes, « Torque » a foncé droit dans le mur de l’échec. Monté pour 40 millions de dollars, le film n’en a en rapporté que 17 aux US : à trop prendre les gens pour des idiots…

[Régis Autran]

www.nanarland.com

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