Si vous avez deux heures trente à consacrer à une comédie dramatique austro-allemande, vous pouvez tenter le dernier film de la réalisatrice Maren Ade qui fut l’une des surprises du 69ème festival de Cannes. Contrairement aux apparences, ce long-métrage n’est pas seulement une comédie loufoque, c’est aussi une critique actuelle du monde de l’entreprise et de nos comportement vis-à-vis de notre famille.
Lorsqu’ Ines, une femme d’affaires travaillant dans une multinationale allemande basée à Bucarest, voit son père débarquer sans prévenir, elle ne cache pas son inquiétude. Sa vie est consacrée essentiellement à son travail et elle ne sait que faire de cette visite inattendue. C’est d’autant plus gênant pour elle, que celui-ci s’est inventé un nouveau personnage pour être à ses côtés au sein même de l’entreprise où elle travaille !
« Toni Erdmann » raconte l’histoire d’un père qui désire se rapprocher de sa fille adulte, qu’il a perdue de vue. Celle-ci vit au centre de Bucarest dans un appartement luxueux. Elle est entièrement dévouée à l’entreprise qui l’emploie et passe la majeure partie de son temps avec ses collègues de travail et ses clients. Constamment au téléphone ou en déplacement professionnel, elle est complètement stressée et épuisée. Lorsque son père débarque un matin, elle accepte de le loger provisoirement. Ce qu’elle ne sait pas encore, c’est que le retraité atypique de Remchingen va totalement bouleverser ses habitudes et lui pourrir la vie avec ses blagues idiotes.
Peter Simonischek, qui tient le rôle du père encombrant est particulièrement lourd dans son personnage. Son rôle clownesque est assez difficile à interpréter, mais, comme sa fille, le spectateur pourrait vite être lassé de son comportement excessif et ses blagues infantiles. Winfried Conradi a pourtant tout d’un père attendrissant. Il semble malade, n’a pas de famille proche à ses côtés et vit seul avec son chien aveugle. La réalisatrice a utilisé un humour qui ne fonctionne pas toujours dans les régions francophones, l’autodérision. Le comique allemand fait donc plus pitié qu’il ne fait rire. Son projet est pourtant louable, il désire plus que tout aider sa fille qu’il trouve malheureuse et combler le vide de solitude qu’il ressent lui-même. Malheureusement il ne sait pas s’y prendre et son comportement inadéquat ne crée chez elle que dégoût, honte et malaise.
Sandra Hüller est assez crédible en businesswoman, elle arrive par ses grimaces à jouer elle aussi deux rôles bien distincts. Ceux de la femme stressée et de la fille aimable. Quant aux différents collaborateurs de l’entreprise, ils jouent tous assez juste, entre managers arrogants, employés roumains ambitieux et secrétaires dévouées.
C’est le troisième film mis en scène par Maren Ade après « The Forrest For The Trees » en 2003 et « Everyone Else » en 2009. La réalisatrice allemande s’est inspirée de sa propre famille pour réaliser son film et écrire les relations compliquées entre ses personnages. Le lieu du tournage est bien trouvé, car la capitale roumaine allie modernité et pauvreté. Elle a deux facettes comme les protagonistes de l’histoire, tout un symbole.
Toni Erdmann
ALL – AUT – 2016
Durée: 2h42 min
Drame, Comédie
Réalisatrice: Maren Ade
Avec: Peter Simonischek, Sandra Hüller, Michael Wittenborn, Thomas Loibl, Ingrid Bisu, Lucy Russell, Hadewych Minis, Tristan Pütter
Filmcoopi
24.08. 2016 au cinéma