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samedi, décembre 28, 2024
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Tom Medina : Foutraque, anticonformiste mais tellement sincère.

Etienne Rey
Etienne Rey
Travailler pour une salle de cinéma, comme journaliste pour des médias ou organiser des événements pour le 7e art, ma vie a toujours été organisée autour de ma passion: le cinéma.

Tony Gatlif s’inspire de son adolescence et signe un film non dénué de défauts, mais franc, énergique et fort attachant.


Un jeune homme est envoyé par un juge d’application des peines dans un mas de Camargue pour canaliser ses pulsions et tenter de conjurer son sort de petit voyou. Au côté d’Ulysse, un homme taciturne, torturé par la disparition de son fils, mais plein de bienveillance, il va apprendre le métier de gardian. Le côté sauvage du lieu, la vie avec les bêtes et le mysticisme qui habite les terres camarguaises vont vite convenir à cet esprit libre dont on ne sait presque rien… Si ce n’est qu’il répond au nom de Tom Medina et qu’il porte en lui une histoire tragique et un passé trouble.

Par petites touches, au gré d’événements bien réels, de rencontres fortuites ou d’expériences presque surnaturelles qu’il fait vivre à son personnage, Tony Gatlif donne quelques pistes sur l’identité de son héros, sur son origine,… même s’il se garde bien de tout dévoiler d’emblée. Comme si, du fait qu’il s’inspire de sa propre jeunesse, il rechignait à se livrer entièrement. Le procédé ajoute certes une part d’ombre et de mystère au héros, mais donne aussi malheureusement un côté un peu décousu au film. Les interactions entre les différents personnages sont parfois mal définies et il devient difficile de croire aux liens qui les unit. On comprend par exemple bien que Tom et son mentor Ulysse deviennent très proches, mais trop peu de scènes montrent l’évolution de leur amitié. D’autres personnages traversent l’intrigue, mais ne s’apparentent finalement qu’à des éléments de décor.

Ces petites faiblesses de scénario ne rendent pas pour autant le film moins attachant, car elles participent quelque part à appréhender le caractère de Tom Medina, toujours impulsif, imprévisible et inconstant. C’est même le propos du film, qui montre justement un être un peu abîmé, en morceaux, qui va devoir lutter pour échapper à sa destinée et trouver sa propre voie.

Tony Gatlif signe ici clairement un film plus impressionniste que narratif, une œuvre dans laquelle la nature tient une grande place et que le chef opérateur Patrick Ghiringhelli magnifie. Il n’hésite pas non plus à s’essayer au fantastique. Plusieurs séquences mettent en scène des éléments quasi-surnaturels, mais qui, réalisées avec les moyens du bord, sans trucages numériques, semblent appartenir au réel et participe à la construction de la psyché de Tom Medina. Comme si le caractère mystique du lieu et les croyances locales imprégnaient et, quelque part, guidaient le personnage. Plusieurs animaux-symboles parcourent d’ailleurs le film, tels une chouette, un taureau blanc, un chat noir… autant d’entités chargées de sens pour le réalisateur d’origine gitane.

Ces influences culturelles se retrouvent encore dans la musique, composée en partie par l’une des actrices du film Karoline Rose Sun, qui interprète la majeure partie de ses compositions à l’écran. À cela, s’ajoute encore des morceaux écrits par le réalisateur et interprétés par Nicolas Reyes des Gipsy Kings ou encore une bande sonore de la compositrice Delphine Mantoulet qui, selon les désirs du réalisateur, a tenté d’ « approcher la densité de la profondeur de la Camargue à travers des sons organiques et électriques. ».

Le film ne serait bien sûr pas ce qu’il est sans l’apport des comédiens. Finalement, peu présente à l’écran, mais extrêmement touchante et gracile, Suzanne Aubert, dans le rôle d’une activiste écologiste vivant de la vente de romarin et espoir d’une vie moins solitaire pour le héros, vole les quelques scènes dans lesquelles elle apparaît. À ses côtés, dans le rôle du mentor rugueux et taiseux, Slimane Dazi apparaît comme un choix presque évident. Sa gueule de cinéma raconte toute une histoire et s’inscrit parfaitement dans la dynamique du film. Quant au belge David Murgia dans le rôle-titre, il semble avoir nourri le personnage de sa propre personnalité, d’une fougue et d’une certaine animalité qui s’inscrivent très bien dans l’énergie du film. Le réalisateur dit de lui qu’il « est moi, en mieux, en plus fort ».

En somme, il paraît clair que Tony Gatlif n’a jamais cherché à réaliser un film confortable, qu’il n’a, comme d’habitude, jamais tenté de suivre des voies toutes tracées et qu’il a simplement suivi son instinct, au mépris des modes et pour le plus grand bien des spectateurs en mal de fraîcheur, de renouveau et de furie.

Rien que pour cela, il convient de lui accorder tous les honneurs…

Tom Medina
CH, FR – 2021 – 100min – Drame
Réalisateur: Tony Gatlif 
Acteur: David Murgia, Slimane Dazi, Karoline Rose Sun, Suzanne Aubert, Lyes Ouzeri, Romain Carbuccia, Morgan Deschamps, Clément Bouchet, Didier Bourguignon, Pietro Botte 
First Hand Films
08.06.2022 au cinéma

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