De la douceur de l’Afrique à l’enfer d’une guerre qui ne les concernent pas, un père et son fils endurent les affres des tranchées. La vie pour la vie, l’amour pour l’amour se heurtent aux ambitions personnelles.
Alors qu’ils font paître leurs troupeaux, Bakary et Thierno Diallo sont enrôlés de force dans les troupes française en 1917. Arrachés à leur quotidien et sans comprendre ce qui leur arrivent, le père et son fils arrivent dans le climat abrupt des tranchées. La guerre et l’ambition du officier vont diviser les deux hommes. Dès lors chacun affronte l’avenir selon son combat pour le pire avec peu de meilleur.
Les tirailleurs sénégalais, comme les Ghanéens ou encore les Ivoiriens ont été raflés comme du bétail par le gouvernement français colonialiste. Considérés effectivement comme propriété de l’hexagone, ces peuples ont lutté et luttent encore pour garder leur identité et leur culture. Une dramatique démonstration, hélas pas isolée, de la soif de pouvoir et de domination humaine. Dans ce film pudique et authentique, honore la mémoire de certains oubliés de la Grande Guerre. Bien que l’histoire soit toujours écrite par les vainqueurs et les hommes, ils ne font pas grand cas des alliés qu’ils considéraient, et peut-être encore, comme accessoires. De ce fait, les soldats issus des colonies françaises au même titre que les femmes n’ont pas été remerciés ni respectés à parts égales. C’est l’histoire de notre espèce, mais ce n’est pas pour autant que cela doit perdurer. Les générations actuelles doivent impérativement continuer la lutte pour la reconnaissance pour tous et toutes, surtout à l’heure de la pluralité de genre et la vaste mixité des ethnies.
Côté technique, les décors sont à la hauteur du souvenir des nos aïeux harmonisés avec la dureté de la situation. L’immersion est parfaite. Tellement que l’on fini par ressentir le froid. L’humidité et la peur. La réalisation et le scénario construisent ensemble une ambiance révoltante en contraste avec de la solidarité depuis les premiers instants. Ce genre de sujet peut facilement déraper sur un militantisme inutile, mais heureusement, Mathieu Vadepied a su en extraire une essence délicate empreinte de dénonciation subtile. Dès lors, ce film de guerre historique devient finalement une fenêtre sur une rectification tardive mais essentielle de l’image de la guerre de 14-18. Connue pour ses atrocités, elle sera désormais aussi célébrée avec plus de considérations pour l’ensemble de ceux et celles qui en ont été les acteurs et actrices nécessaires.
Côté acteurs, nous découvrons une fois encore Omar Sy dans une dimension de son talent plus en phase avec ses réelles capacités. Cet acteur est décidément bien plus remarquable dans les rôles dramatiques que dans les comédies. Sa carrière continue de suivre son envol fougueux. Bien que le sujet le touche certainement dans sa chair, il n’en est pas moins vindicatif. Il a compris la dimension historique autant que celle de lu rétablissement des responsabilités coloniales. Pour le public qui attend un film de guerre de plus avec ses explosions et ses combats, il sera probablement surpris de découvrir quelque chose de plus profond et de plus poignant.
Pour les connaisseurs de la période, c’est un splendide exposé d’un détail caché au milieu de tant d’autres, maillon indéfectible qui a tissé les cicatrices de l’Europe. Chacun peut donc y trouver son compte. L’important, c’est de ne pas oublier.
Tirailleurs
FR – SEN – 2022 – 1h40 min
Drame, Historique
Réalisateur: Mathieu Vadepied
Avec: Omar Sy, Alassane Diong, Bamar Kane, Aminata Wone, Alassane Sy, Oumar Sey
Ascot Elit
04.01.2022 au cinéma
