Après Once Upon a Time, Les Sorciers de Waverly Place ou même Charmed et Sabrina, l’apprentie sorcière, pour les plus vintage d’entre nous, voici The Magicians, une autre série fantastique qui fait la part belle à la magie, aux sortilèges et aux pouvoirs surnaturels dont sont dotés certains êtres humains.
Ici, c’est autour de Quentin Coldwater que s’écrit l’histoire ; se croyant fou car il fait des tours de magie et ne lit que des livres de fantasy, Quentin est psychologiquement instable, jusqu’à ce qu’il se rende compte, au détour d’un buisson traversé par hasard, qu’une école pour les gens comme lui existe. L’Université de Brakebills est une école pour magiciens, qui valorise les pouvoirs magiques de ses élèves, une école à laquelle il va s’intégrer rapidement, contrairement à son amie de toujours, Julia, qui ne passera pas les tests d’entrées. Quentin entre ainsi dans un monde qui lui convient enfin, un monde qui comprend ses particularités, mais il devra rapidement faire face à de grandes menaces. Suivi par Alice, Penny, Margo et Elliot, il découvre ses capacités de magicien et une autre face de sa personnalité, plus affirmée, tout en apprenant sortilèges et incantations qui lui permettront de sauver son école et ses proches.
Bien que les romans de l’écrivain Lev Grossman sur lesquels se base la série soient inspirés de ceux sur le sorcier à la cicatrice de Poudlard, les créateurs Sera Gamble et John Macnamara se détachent malgré tout de J.K Rowling, et offrent une vraie proposition de série fantastique. Lev Grossman est un journaliste et romancier américain qui a écrit une trilogie, Les Magiciens, Le Roi Magicien, La Terre du Magicien, ainsi que quelques nouvelles et autres romans indépendants. Cet ensemble de romans donne aux créateurs de la série une source fascinante d’idées et d’histoires à raconter, le tout, en parallèle avec l’univers de Fillory, un monde qui s’avère être réel et fondamental pour les héros de la série. La série se détache notamment du livre par ses choix scénaristiques, mais également parce qu’elle permet d’avoir les points de vue de plusieurs personnages. Le narrateur des romans de Lev Grossman est Quentin, ce qui pouvait limiter l’approche et la perspective par rapport aux évènements. Comme toujours, les fans qui ont lu le livre sont généralement déçus par l’adaptation en série, mais, sans avoir dévoré les trois tomes de Grossman, on ne s’en sort pas trop mal.
De la magie donc, une école, des jeunes magiciens, la comparaison avec Harry Potter semble toute trouvée, et c’est de fait une des plus saillantes dans la critique. Quelques allusions bien placées rappellent au spectateur le lien inévitable avec l’univers de J.K Rowling – on pense notamment à un « Avada Kedavra » prononcé en riant par un des magiciens pour faire semblant d’en tuer un autre, ce qui provoque une agréable surprise. Plus réaliste et « terre à terre », plus adulte et sérieuse, la série présente plutôt la magie comme un outil qui peut s’avérer dangereux selon ses usages, que comme outil sympa dans un univers pour enfants. De plus, les fans de l’auteure britannique retrouveront avec plaisir des rappels du monde de Poudlard, comme l’importance des livres et de l’amitié pour combattre le mal, l’existence d’une sorte de monstre dont on ne doit pas prononcer le nom, un trio de personnages centraux (deux hommes, une femme, qui d’ailleurs rappelle la fameuse Hermione (Emma Watson)), des sortilèges fascinants…
Et l’univers, lui aussi, est fascinant. La magie y est pratique, pas de baguette ou de balais volant ; on crée des sorts et on lance des sortilèges en faisant de drôles de manipulations avec les doigts, quelque chose d’assez hypnotique et intriguant. L’école quant à elle se situe au nord de New York, mais est invisible. On alterne entre les deux lieux, Brakebills et la mégapole, et on ancre la série dans un monde qui est vraiment le nôtre, contrairement à Harry Potter, ou même à Narnia – comparaison qu’on retrouve aussi à plusieurs reprises dans la critique, mais qui semble peu fondée au final. L’imagination du spectateur est constamment nourrie par des nouveautés improbables, autant au niveau de l’action en tant que telle, que de détails insignifiants.
Les effets spéciaux très bien réalisés viennent de fait renforcer l’impression de « réalité » et la vraisemblance de ce monde. Entre l’Homme-Mite assez terrifiant, l’énorme trou noir qui apparaît dans le plafond de la salle de gym, la lévitation, les sorts, les blessures, on est vite embarqué dans ce monde qui effraie autant qu’il obnubile.
Beaucoup de qualités donc pour cette série qui s’est trouvé une véritable identité après tant d’autres réalisées sur la magie. Le hic, car il y en a bien un, ce sont surtout les acteurs. En effet, il est difficile de vraiment se décider, de trancher sur la question de savoir si les acteurs sont bons ou pas. Dans des rôles souvent trop stéréotypés, leur caractère semble tracé à grands traits, avec très peu de nuances et de profondeur. Du coup, les relations qui se créent entre eux ne révèlent qu’assez peu de surprises, ce qui peut être lassant. De plus, l’identification devient compliquée du moment où l’on n’est ni un geek de fantasy mal dans sa peau, ni une intello à lunette assez sexy mais peu sûre d’elle, ni une bimbo latino suivie de son ami gay qui forment une espèce de couple étrange mais burlesque – parfois à la limite du ridicule. Ce manque de personnalité et d’essence des personnages se ressent trop fortement pour pouvoir se lancer à bras ouverts dans la série et vraiment se laisser emporter.
Un bon point des relations entre les personnages est néanmoins celui des relations sexuelles qui les unissent, ou désunissent. En effet, la sexualité est vraiment thématisée et, comme Jason Ralph l’explique dans une interview d’Allociné, la série permet de la montrer de manière vraie et concrète, de rappeler que ce n’est pas toujours un acte gratuit, que cela peut parfois être compliqué. The Magicians aura au moins eu le mérite de montrer des relations sexuelles de la vie de « tous les jours » et les problèmes et embarras que tout un chacun peut rencontrer. Certaines scènes un peu crues prennent alors leur sens, et rappellent aussi que la série est vraiment destinée aux adultes, que Brakebills est un Poudlard pour les grands, qui boivent et fument des trucs bizarre, font la fête, et l’amour.
Quant au scénario, celui-ci est aussi bien construit, car certains éléments présentés dans les premiers épisodes et qui faisaient froncer les sourcils sont repris dans les épisodes suivants et prennent tout à coup tout leur sens. On est alors plus attentif à ce qui se dit, ce qui se fait et ce qui se voit. Le suspense est bien ficelé, on n’accroche pas nécessairement dès le premier épisode, mais on accroche quand même, et c’est peut-être parce que la série prend son temps à poser ses bases. Beaucoup d’éléments (trop) nouveaux apparaissent régulièrement, même vers la fin de la saison, ce qui peut être perturbant et agaçant pour certains, surprenant et agréable pour d’autres.
En bref, une bonne série, originale, qui vient renouveler un peu le panorama actuel des séries, entre science-fiction pour adulte et magie qui éveille l’enfant plus ou moins caché en chacun de nous. On regrette donc les personnages pas forcément très convaincants, mais l’univers à lui seul happe à un tel point qu’on en oublierait ces quelques défauts. Vivement la prochaine saison, le retour du trio brinquebalant et la découverte de la destinée – courte on l’espère – de l’Homme-Mite effrayant !
- The Magicians
- Sera Gamble, John MacNamara
- Avec : Jason Ralph, Stella Maeve, Olivia Taylor Dudley
- Universal Picture Video