« Nostalgie, c’est pour ça que tu es là. Tu es une touriste dans ta propre jeunesse », proclame Sick Boy. Très focalisée sur le passé, cette suite tient la route grâce à son honnêteté et son ton piquant.
« Choisis la vie, choisis un boulot, choisis une carrière, choisis une famille ». C’est avec un discours amer énonçant le besoin incontrôlable de la société de rechercher une vie stable et prévisible, que démarrait le long-métrage « Trainspotting » de Danny Boyle. En 1996, cette adaptation du livre homonyme d’Irvine Welsh, avait remporté un franc succès en mettant en scène un groupe de jeunes écossais sans projets, ni perspectives, qui se livrent à la consommation d’héroïne pour échapper à l’angoisse de la réalité. L’histoire, racontée par Mark Renton, accompagne ses sessions d’injection et autres escapades avec sa bande d’amis composée de Spud, Sick Boy, Begbie, Tommy et Lizzy. Si Mark cherche à prendre le contrôle de sa vie en se libérant d’un système cliché qui supprime toute individualité, à travers la prise d’héroïne, celle-ci finit par l’enfermer dans une autre prison physique et psychologique. L’intérêt de ce film se trouve dans le fait qu’il évite les discours simplistes et moralisateurs cherchant à condamner les substances illicites. Il y a un vrai souci d’explorer la complexité de la réalité et paraître crédible dans ses propos. C’est avec un humour noir et un certain cynisme que Boyle pose aussi un regard sur la société de cette époque, où l’espoir relève d’une utopie et que le rêve d’un avenir meilleur est refusé à cette jeunesse.
Si « Trainspotting » est justement apprécié parce qu’il sort des normes, notamment par sa manière d’aborder la jeunesse, alors pourquoi choisir de faire un sequel et risquer de ternir un film culte? On pourrait résumer la réponse de Danny Boyle à cette question par une réplique du premier épisode : « Le monde change. La musique change. Les drogues changent. Même les hommes et les femmes changent. Dans 1000 ans, il n’y aura ni mec, ni nana. Que des branleurs. ». « T2 Trainspotting » nous transporte 20 ans après les événements du premier film. Pour rappel, Begbie, Sick Boy, Spud et Renton avaient gagné un gros butin suite à une transaction de drogue. Alors qu’ils étaient censés diviser la somme en parts égales, Renton avait pris la fuite avec la totalité de l’argent dans l’espoir de recommencer une nouvelle vie. À présent, Renton vit à Amsterdam, comble son sentiment d’insatisfaction perpétuel à travers le sport et est en plein processus de divorce. Après avoir subi une opération, il décide de retourner chez lui à Leith dans l’espoir de se réconcilier avec les fantômes de son passé. Begbie, le personnage imprévisible et colérique de la bande, est en prison, rêvant de tuer Mark pour l’avoir trahi. Sick Boy extorque des individus et a hérité d’un bar où il n’y a pas un chat. Spud, quant à lui, est père de famille, toujours accro à la drogue, mais cherche à canaliser ses troubles à travers la créativité. Dans ce long-métrage, il s’agit alors de confronter ces icônes des années 90 à notre ère et aux soucis quotidiens que rencontrent des hommes dans la quarantaine.
Si ce T2 n’a pas la même électricité que son prédécesseur, il parvient tout de même à combler nos désirs avec son humour et atmosphère mélancolique. Il est intéressant d’observer avec le personnage de Renton, le visage d’un homme qui n’avait jamais sérieusement réfléchi à l’avenir pour s’y imaginer dedans. Spud, toujours très bien joué par Bremner, incarne le temps qui passe trop vite, ainsi que ces individus mis sur le banc, incapables d’accéder au bonheur promis, mais qui essaient malgré tout. Tandis que Sick Boy, présenté comme un bad boy dans sa jeunesse, ne s’adapte pas à cette nouvelle économie. Cette suite possède une bande originale correcte avec des musiques reprises de l’original, qui ont été néanmoins retravaillées pour souligner des moments marquants. Le rythme se veut également histrionique, le visuel sombre et psychédélique, pour simuler l’euphorie vécue par les personnages. Rempli de flashbacks bien imbriqués et de séquences dans lesquelles il y a des clashs générationnels, le film est empreint d’honnêteté et de nostalgie que le public accueillera à bras ouverts, comme de vieux amis qui venaient leur rendre visite après une longue absence.
T2 Trainspotting
De Danny Boyle
Avec : Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle
Sortie : 01.03
Disney