Le nouveau film de Thea Sharrock se base sur un événement oublié du début des années 1920 à Littlehampton, dans le sud de l’Angleterre. Si sa transposition aborde intelligemment et une bonne dose d’humour noir l’affaire, certains choix scénaristiques dévient beaucoup de la réalité.
Une nouvelle fois, Edith ouvre et lit son courrier où les lettres grossières et injurieuses de son expéditeur anonyme, en font partie. Outrée par la dernière missive et avec le soutien de ses parents, elle décide cette fois-ci, de porter plainte contre… sa voisine car elle la pense vraiment coupable. Celle-ci, soit Rose Gooding, a un franc-parler incessant et toujours accompagné d’injures fréquemment méchantes et adroitement placées. Au moment où le procès va commencer entre les 2 anciennes amies, les lettres se répandent comme une traînée de poudre au sein de différents foyers. Mais comment est-ce possible au moment où Rose est enfermée ? La ville de Littlehampton est sous tension et la police décide donc de travailler de manière acharnée afin de briser l’anonymat et de remettre à la justice la personne coupable. Ce, notamment par le biais de l’agente Gladys Moss déterminée et intuitive jusqu’à la fin de sa sinueuse enquête.
Si la véritable histoire des 2 femmes susmentionnées se déroula réellement à Littlehampton de 1920 à 1923, la production de « Scandaleusement vôtre » ne put tourner sur place car la ville a beaucoup trop changé.
Aussi et après plusieurs repérages, l’équipe décida de s’installer à Arundel et Worthing. 2 petites communes ayant gardé leur charme d’antan. Bien sûr, la magie du cinéma fut mise en place. Entre autres grâce aux superbes décors recréés de « Western Road », la rue de Littlehampton où vécurent les 2 femmes qui menèrent leur bataille avec acharnement.
Minutieusement filmé par la cinéaste Thea Sharrock (« Avant toi »), son nouveau film emmène directement les spectateurs-trices dans les années 1920 et au cœur de l’intrigue. Car l’horreur littéraire se dévoile rapidement à l’écran au travers des insultes.
Si « Wicked Little Letters » en anglais et donc en traduction directe en français « Méchantes Petites Lettres », se remarque de certaines réalisations actuelles, c’est notamment grâce à son humour noir « so british », ses dialogues et piques mordants entre les comédiennes.
Emmenée par Olivia Coleman (« Empire of Light ») et Jessie Buckley (« Men »), soit l’intellectuelle et renfrognée « Edith Swan » et la pétillante et très dynamique « Rose Gooding », ce long-métrage tragi-comique aborde également des sujets importants et intéressants au cœur de la décennie précitée.
Si l’inégalité entre femmes et hommes, le patriarcat ou certaines injustices et dévalorisations ont été scénarisés et filmés de manière intelligente, les complications de vie de la Première Guerre mondiale sont à peine traitées. Un fait regrettable, car le comportement des êtres humains change aussi beaucoup dans ce genre de situation.
Surtout, il est possible qu’une partie du public grince des dents à cause de nombreuses modifications scénaristiques. A l’exemple de la policière « Gladys Moss », qui a réellement vécu et mener l’enquête, mais en aucun point seule ou parfois, accompagnée de comparses.
Car à l’époque, l’affaire fit tellement couler les encres anglaises, que Scotland Yard dû s’en mêler et envoya un important inspecteur en soutien. En outre, la véritable Gladys Moss était effectivement l’une des rares femmes policières, mais de la région et non d’une nationalité différente.
Ceci, sans remettre en cause l’interprétation de l’actrice Anjana Wasan (« Cyrano »). Puisqu’elle incarne son personnage quelque peu rebelle, persévérant et intuitif avec passion et à merveille.
D’autres aspects intéressants de la véritable histoire de ces méchancetés par courrier, ne se sont pas développés au travers de la trame du scénariste Jonny Sweet (« Johnny English contre-attaque »). Ainsi, le nombre d’enfants chez les « Gooding » est changé. Les condamnations injustes de la véritable Rose Gooding s’avèrent également modifiés pour des raisons inconnues.
Séparément, ces éléments n’ont guère d’importance. Mais ajoutés au sein de cette intrigue plutôt captivante, sa trame s’allège et dévie de la réalité. Ainsi, ces faits historiques écartés mentionnés et d’autres encore, façonnent trop « Scandaleusement vôtre » en une comédie.
Quoiqu’il en soit, cette réalisation permet de savourer cette affaire oubliée grâce aux magnifiques accents anglais, à la reconstitution des lieux, aux très bons dialogues et mimiques interprétées ou encore, par le biais d’une distribution de comédiennes douées.
Scandaleusement vôtre
ROY – FRA – 2023
Durée: 1h42 min
Drame, Comédie
Réalisatrice: Thea Sharrock
Avec: Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan, Joanna Scanlan, Gemma Jones, Malachi Kirby, Timothy Spall
Pathé Films Suisse
12.03.2024 au cinéma