Un film sur le pouvoir et la famille, très beau, mais divisée en deux parties inégales.
50 ans et plus d’une vingtaine de film après son premier chef d’œuvre « Les poings dans les poches », Marco Bellochio, cinéaste italien majeur, retourne dans sa ville natale de Bobbio pour filmer son nouveau long-métrage, « Sangue del mio sangue ». Le film se décompose en deux parties, la première se déroulant dans l’Italie religieuse du XVIIème siècle et la seconde dans l’Italie actuelle.
Le segment initial raconte l’arrivée de Federico Mai au couvent de Bobbio, après le suicide de son frère religieux, pour tenter de le réhabiliter et l’enterrer en terre sainte. Pour cela, l’église doit prouver que Benedetta, la femme à qui il a succombé, a signé un pacte avec le diable, en lui infligeant épreuves et châtiments corporels.
Le deuxième segment raconte, dans le temps présent, l’arrivée à Bobbio de Federico Mai (même acteur, même nom de personnage), contrôleur des impôts douteux. Il est accompagné d’un milliardaire russe qui souhaite acheter le couvent en ruine, dès lors devenu une prison désaffectée. Seulement, dans cette prison habite le comte Basta, sorte de vampire invisible, qui se fait passer pour mort depuis des années.
Le maître Bellochio continue d’impressionner, notamment par la beauté de sa réalisation soignée et captivante. En véritable cinéaste de la pénombre, il parvient à rendre les enjeux dramatiques de la première partie véritablement actuels et pertinents, tout en offrant quelques envolées esthétiques bienvenues (on pense à l’épreuve de l’eau). La seconde partie prend un ton plus farcesque, voire comique, pour tourner à l’absurde ce « village-monde » de Bobbio, gangrénée par la corruption et les faux-invalides (ces bien-portants qui se font passer pour handicapés pour toucher des allocations).
« Sangue del mio sangue » c’est aussi deux traitements parallèles de la notion de pouvoir. Tout d’abord, c’est le pouvoir religieux du Cardinal qui a condamné Benedetta et qui sera finalement foudroyé par la résistance de la femme dans les dernières images du film, qui sont empreintes d’un surréalisme fascinant. Puis, c’est le pouvoir manipulateur du comte Basta, qui s’essouffle devant le constat de son impuissance et qui finit, lui aussi, par s’éteindre. Bellochio présente donc une domination qui, dans les deux cas, se meurt, vaincue par le contre-pouvoir que représente la femme.
Mais «Sangue del mio sangue » est surtout, comme l’indique le titre et la présence de son frère et son fils au casting, un reflet de la vie familiale de Bellochio, le sang de son sang. Il y évoque avec tendresse et douleur la situation religieuse de son enfance et le souvenir mélancolique de sa famille. Selon ses propres mots, il a construit son film à partir de « morceaux de vie », mais sans jamais laisser la nostalgie s’emparer de l’œuvre.
Force est de constater, toutefois, que le film est parfois inégal. Le registre farcesque, en effet, n’apparaît pas comme le domaine de prédilection du réalisateur et les interprètes, sans subtilité, défont la seconde partie à grands coups de sur-jeu (Filippo Timi) ou de quasi non-jeu (Pier Giorgio Bellochio).
Cette différence de genre et de qualité est synthétisée par le travail sonore du film. L’ambiance musicale de la première partie, grave et profonde, est aux antipodes de la seconde, presque amusante. Il faut également noter la reprise touchante de « Nothing Else Matters », que d’aucuns trouveront certainement triviale, mais qui clôt fragilement le film (Metallica chez Bellochio, tout de même !).
Sangue del mio Sangue – Bande annonce par TheDailyMovies
Sangue del mio sangue
De Marco Bellochio
Avec Roberto Herlitzka, Pier Giorgio Bellochio, Lidiya Liberman
Filmcoopi
Sortie le 11/11