Ce dimanche 25 mars 2018, a eu lieu la deuxième journée de la première édition du festival Rencontres 7ème Art Lausanne et nous montre déjà que le festival, organisé par Vincent Perez, a un grand avenir devant lui. L’évènement de cette journée fut la diffusion du classique « The Deer Hunter » suivie d’une rencontre avec le légendaire Christopher Walken.
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tanding ovation dans la salle du Capitole à Lausanne. Non seulement les spectateurs applaudissent son nom lorsqu’il apparaît dans le générique de fin, mais ils se lèvent en l’acclamant (moi y compris bien entendu) lorsqu’il entre dans la salle comble. À presque 75 ans, Christopher Walken a toujours la même présence : inoubliable et unique, il est incontestablement un des acteurs les plus célèbres et talentueux de sa génération. Emplie d’humour et d’humilité, la rencontre a été une formidable occasion d’en apprendre plus sur la carrière, presque accidentelle, de l’acteur américain.
Né dans le Queens à New York, Walken grandit dans une ville où la télévision se développe en même temps que lui. Lui et ses frères s’essayent donc dans des petits rôles de séries lorsqu’ils sont enfants. Se trouvant tout de suite à l’aise dans ce domaine, il décide de poursuivre cette voie et particulièrement celle du music-hall où il interprète beaucoup de rôles dans des comédies musicales, dansantes ou simplement des pièces de théâtre à Broadway et dans des salles plus underground. Il aimait faire cela, certes, mais il se trouve également qu’il « n’avait rien d’autre à faire après les cours » ; avec désinvolture, Walken raconte comment le théâtre s’est trouvé devant lui au bon moment et lui a permis de trouver un métier, mais qu’il n’a en aucun cas une formation d’acteur. Pour le citer, beaucoup de choses dans sa carrière se sont produites de manière « accidentelle » : en effet, la télévision s’est trouvée là, le music-hall s’est trouvé là, les propositions de casting pour le cinéma lui ont été proposées. Une incroyable série de « pourquoi pas » (ainsi que beaucoup de talent et de travail) l’ont mené à d’énormes « oui » enthousiastes de la part du public. Ainsi, de manière assez comique, Walken confie au public qu’il ne sait pas comment travaillent les acteurs et qu’il n’a pour ainsi dire jamais su comment faire ce travail : il s’entraîne jusqu’à ce qu’il lui semble que ça soit « ok ». À l’inverse de Robert De Niro, connu pour ses préparations intenses pour devenir les personnages qu’il incarne (apprendre le sicilien pour « Le Parrain 2 », devenir conducteur de taxi pour « Taxi Driver », apprendre à boxer pour « Raging Bull »), Walken se voit plus comme un enfant qui joue avec ses amis et qui dit « moi je suis ça, toi tu es ça ». Il affirme que son approche du métier d’acteur repose sur le « make-believe » (qui peut se traduire par « illusion », « jouer à faire semblant ») et qu’il ne sait pas vraiment le faire correctement, il n’est alors pas difficile d’affirmer à notre tour que Walken est un des imposteurs les plus talentueux (et humbles, à l’évidence) de tous les temps.
Lors de la rencontre, l’acteur n’a qu’admiration pour les réalisateurs avec qui il a travaillé. De David Cronenberg avec qui il a fait le mythique et déroutant « The Dead Zone » (adaptation du roman éponyme de Stephen King), à Tim Burton (« Batman : Le Défi » et « Sleepy Hollow »), en passant par Michael Cimino (« Voyage au bout de l’enfer », « Heaven’s Gate ») et bien d’autres, Walken nous fait l’éloge des personnes qui lui ont permis d’obtenir ce statut d’acteur incontournable qu’il a aujourd’hui. Parmi les anecdotes qu’il raconte, une en particulier sort du lot tant elle semble absurde et drôle. Quand Tim Burton lui proposa de travailler à nouveau avec lui pour « Sleepy Hollow », il refusa directement et la raison, plutôt inattendue, fut la suivante : « Je ne connais rien aux chevaux. Et chaque fois que je suis avec un cheval, il me déteste, de manière évidente, et j’ai peur de lui et il ne m’aime pas. Si je lui monte dessus, il s’en va en courant. ». Pour parer à ce problème hippique, Burton utilisa le même cheval mécanique qu’Elizabeth Taylor eut dans le film « Le Grand National ». Une autre anecdote, probablement plus décisive dans la vie de Walken, montre encore une fois que sa carrière a sans doute si bien fonctionné parce qu’il n’a presque jamais dit non aux opportunités. Michael Cimino, après lui avoir fait lire le script de « Voyage au bout de l’enfer », lui demanda quel rôle il voulait interpréter. Il répondit celui de Stan (finalement interprété par John Cazale), un des amis du trio qui ne part pas au Vietnam, et Cimino accepta. Après quelques rencontres entre l’acteur et le réalisateur, Cimino changea d’avis et lui dit qu’il serait préférable qu’il incarne le rôle de Nick ; Walken accepta sans difficulté et signa sans le savoir le début de son succès.
Remportant l’Oscar du meilleur rôle masculin pour ce film, ce n’est alors que le début d’une carrière extrêmement prolifique. Walken est souvent cantonné aux rôles de méchants ou d’hommes quelque peu dérangés, c’est sans doute la raison pour laquelle sa présence dans le film musical « Hairspray » (la version de 2007), ses remarquables apparitions dans « Pennies From Heaven » et le clip « Weapon of Choice » (par Fatboy Slim) ou encore ses quelques rôles comiques semblent détonner avec le reste de sa carrière. Pourtant, comme il nous le dit, sa carrière a commencé grâce à des choses comme « Hairspray ». Il raconte alors avec l’air amusé qu’il a commencé en faisant l’idiot, qu’il a fait beaucoup de choses sérieuses, puis que les gens se sont à nouveau aperçu qu’il savait faire l’idiot. Ce qui est sûr, c’est qu’autant à l’écran que dans la vie, Walken est inoubliable : brièvement dresseur de lions à l’adolescence (information provenant de mon inépuisable source d’anecdotes inutiles sur les acteurs et non pas de cette rencontre), une manière de parler assez spéciale (selon lui, probablement dû au fait qu’il a grandi parmi des immigrés dont l’Anglais n’était pas la première langue) et résidant actuellement dans les bois de l’état de New York (ne sortant souvent que pour travailler, il peut passer des jours sans sortir de sa maison), il n’est finalement pas si étonnant que chaque personnage qu’il incarne semble être unique à leur façon, comme s’ils conservaient un peu de l’originalité qui le rend si captivant.
S’il y a bien une chose à retenir de l’histoire de Christopher Walken, c’est qu’il faut être ouvert aux propositions (il n’a refusé des rôles que très rarement) et qu’une série de « pourquoi pas » peut mener à un Oscar. Chose importante également, il est primordial d’être satisfait du travail accompli : comme il nous le confie, il n’y a rien de mieux que de rentrer dans sa voiture après une journée de tournage et de se dire, « c’était bien, ça va être vraiment bien ». Walken va fêter ses 75 ans le 31 mars et a une carrière depuis près de 65 ans, alors vous non plus n’hésitez pas à vous lancer dans ce qui vous plaît et à saisir les opportunités autour de vous. On ne sait jamais après tout, peut-être que votre « pourquoi pas » d’aujourd’hui cache votre succès de demain.
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