Le chef d’œuvre de Romain Gary est une nouvelle fois porté à l’écran. Ce remake est d’excellente facture. Doté d’un casting de qualité, ce film aborde une partie de la vie du célèbre écrivain. On nous parle de son enfance en Pologne, de sa jeunesse sur la Côte d’Azur mais aussi de ses nombreuses désillusions et souffrances, liées à une mère aimante, mais autoritaire.
Le dernier film d’Eric Barbier est la seconde adaptation au cinéma du roman autobiographique « La Promesse de l’aube » de Romain Gary, la première étant celle du metteur en scène Jules Dassin de 1970, avec l’acteur Assi Dayan dans la peau de l’écrivain.
Le scénario de ce remake est intéressant, mais l’histoire met du temps à se mettre en place. Tout commence en Pologne, Romain Kacew (Gary) est un jeune garçon qui n’a pas confiance en lui. Sa mère, une femme orgueilleuse et tyrannique, le force à suivre de nombreux cours pour qu’il devienne quelqu’un de bien. Il apprend tour à tour, la bienséance, le violon, la peinture et la rédaction. Obligé à porter des habits ridicules pour faire honneur à son nom et le distinguer des autres, le petit devient vite la risée du village. Pire même, les enfants du quartier le trouvant bizarre et gâté, commencent à le persécuter. Malgré les souffrances et la pression familiale endurée, Romain ne se décourage pas. Il persévère même !
Les dialogues en polonais sous-titrés et les décors sombres rendent cette première partie un peu sinistre et longuette. La donne change totalement dès le moment où le futur écrivain, adolescent, arrive en France, plus précisément sur la Côte d’Azur. La Méditerranée et le soleil aidant, l’histoire devient plus agréable à visionner pour le spectateur. Les événements se succèdent rapidement et le jeune natif de Vilnius (Wilno en polonais) nous raconte la suite de ses aventures, ô combien palpitantes.
Devenu aviateur, au sein de l’armée française, durant la Seconde Guerre mondiale et toujours poussé par sa mère exigeante, le jeune Romain se doit d’être encore et toujours le meilleur. Rien ne lui est pardonné. Il doit continuer à écrire pour devenir un jour, un auteur à succès, réussir sa carrière militaire, et faire toujours honneur à sa mère où qu’il soit. Tout un programme !
Durant la guerre, le grade de Lieutenant lui est injustement refusé à cause de ses origines juives. Le brillant militaire ne baisse pas les bras pour autant et s’enfuit dès qu’il en a l’occasion en Angleterre, rejoindre les armées libres du Général De Gaule…
«La Promesse de l’Aube» est un roman d’aventure initiatique qui retrace 20 ans de la vie de l’écrivain français, Romain Gary et de sa mère, Mina Owczyńska. Par rapport au travail d’adaptation, le réalisateur Eric Barbier a été confronté à une multiplicité de scènes qui donnent le vertige. Ce fut difficile pour le réalisateur de trouver une forme scénaristique conservant l’essence du roman tout en le réduisant de ses deux tiers.
Les époques et les pays traversés par l’écrivain ont de l’importance dans le film. Nous le trouvons en Pologne dans les années vingt, à Nice et Paris durant la période d’avant-guerre, en Angleterre sous les bombardements nazis, en Afrique du Nord et en Centrafrique ainsi que dans le Mexique des années cinquante. Ces différents décors donnent du dynamisme et augmentent l’intérêt du spectateur. Des dialectes originaux ont été utilisés à tort ou à raison pour donner un aspect plus réaliste aux personnages et aux événements de l’époque.
Il est intéressant de noter que le tournage s’est montré assez difficile. Certaines scènes ont été filmées dans des régions peu accessibles et inhospitalières. Les batailles aériennes ont demandé la présence de beaucoup de figurants et de matériel, l’équipe a eu recours aux effets spéciaux pour reconstituer les dizaines de bombardiers qui se déplaçaient pour aller pilonner la côte allemande. Pourtant, l’épisode le plus délicat à reproduire, fût une scène qui paraît anodine à l’écran. Lorsque Romain enfant, observe apeuré la fouille de l’appartement familial par la police polonaise. Cette prise a dû être reproduite de nombreuses fois, car il n’était pas évident d’obtenir la bonne émotion. Celle d’un enfant qui voit sa mère humiliée. Le choc émotionnel qui forgera son caractère de battant.
Nominé à la 26ème édition du Festival de Serlat en France, le mois dernier, le neuvième long-métrage d’Eric Barbier aborde de nombreux sujets: La filiation, l’injustice, l’amour et la haine, la vie d’entre deux guerres et le destin.
Si «La Promesse de l’Aube» interpelle encore aujourd’hui le lecteur et le cinéphile, c’est parce que dans l’histoire règne une joie tragique étrange. Le metteur en scène explique que les expressions «C’est fini» et «J’ai vécu» reflètent le commencement et la fin d’un livre mélancolique, endeuillé, mais où il n’y a aucune trace d’amertume, de cynisme, ou de défaitisme. On trouve plutôt dans les écrits du romancier un éloge de l’espérance et de la volonté, de la tolérance et de l’héroïsme. Romain Gary n’était pas un personnage plaintif ou moralisateur. Il a distillé avec un humour ravageur une vision de l’existence qui exalte ce qu’il peut y avoir de meilleur en nous, qui valorise le désir de rendre réel les rêves et les fictions que l’on porte en soi.
Le casting du film est impressionnant. Sous les traits de la mère tyrannique, nous trouvons Charlotte Gainsbourg. C’est un choix intéressant, car la jeune actrice porte elle-même, sur son visage les séquelles d’une vie difficile. À la fois faible et forte, hurlante ou dépressive, elle incarne parfaitement le personnage décrit par Romain Gary dans son roman autobiographique. Affublé, d’un accent slave qui surprend au départ, la jeune actrice de 46 ans est très crédible dans son rôle particulièrement complexe. À ses côtés nous trouvons Pierre Niney. L’acteur français, habitué à tenir ce genre de premier rôle, se présente très bien sous les traits de l’écrivain. Il a ce côté sympathique et attendrissant qu’on attend de lui pour incarner le héros de l’histoire. Jean-Pierre Darroussin et Didier Bourdon sont eux aussi de la partie. Le premier incarne un peintre galant et amoureux et le second un artiste ivrogne et théâtral. Même s’ils ne font qu’une courte apparition, les deux acteurs français apportent leur expérience et leur jouerie originale à un film déjà bien composé.
La Promesse de l’aube
FR – 2017 – Drama
Réalisateur: Eric Barbier
Acteur: Pierre Niney, Charlotte Gainsbourg
Pathé Films
20.12.2017 au cinéma