Le jugement du spectateur à l’encontre du protagoniste revient alors comme un boomerang.
« To nightcrawl » dénote l’activité de repérer les incidents les plus sanglants afin de les filmer et d’en revendre les captations aux télévisions locales. C’est dans ce business douteux que se lance Lou Bloom (l’excellent Jake Gyllenhaal), un homme solitaire à la maligne implacable.
Pour son premier film, Dan Gilroy s’attaque aux dérives sociétales et médiatiques, élaborant un thriller nocturne qui dépeint les vampires modernes. Dans son rêve de vivre l’American life, Lou fait fi de ses convictions morales et s’embourbe dans une descente aux enfers, restant à l’affût de la moindre goute de sang. Gilroy écrit son personnage de manière suffisamment intelligente pour ne pas l’isoler dans sa sociopathie croissante. Armé de sa logique et de son autodidactisme, il s’immisce dans les rouages d’une industrie écoeurante de laquelle il ne reste qu’un instrument – comme l’illustre la rivalité avec les autres équipes –, Lou fournissant du contenu là où il y a de la demande. Le jugement du spectateur à l’encontre du protagoniste revient alors comme un boomerang (voir la rapidité avec laquelle la vidéo de l’attentat de Charlie Hebdo a circulé…).
Si « Nightcrawler » reste plausible dans son déroulement, il perd néanmoins en crédibilité lors des séquences finales, où le film opte pour la grandiloquence. Ce revirement spectaculaire était certes attendu car inévitable. Ce n’est pas tant la tournure des événements à laquelle il est difficile d’adhérer, mais plutôt à la (non-)réaction des personnages, à l’image des policiers qui n’aperçoivent pas les deux cameramen à côté de leur voiture flamboyante, peu avant la poursuite finale. Produit en marge du système hollywoodien, « Nightcrawler » élabore un discours légèrement naïf mais provoque suffisamment de frissons pour captiver.
Nightcrawler (Night Call)
De Dan Gilroy
Avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Bill Paxton…
Ascot Elite