Grâce à une réelle virtuosité technique, un scénario digne d’un comic de DC et un protagoniste fouillé, le film de Gavin O’Connor se démarque du tout-venant des films d’action.
Qui est Mr Wolff, ce comptable qui blanchit de l’argent pour de nombreux terroristes et autres organisations criminelles ? Comment parvient-il à ressortir indemne de ces dangereuses collaborations ? Ces questions sont soulevées par Ray King (J.K.Simmons) et Marybeth Medina (Cynthia Addai-Robinson), des agents du Trésor menant une enquête sur ce mystérieux individu et qui sont déterminés à le retrouver. Par le biais d’une trame bien ficelée et de séquences flashbacks, le spectateur a la chance de faire la rencontre de Christian Wolff (Ben Affleck), ce petit génie de la finance, atteint du syndrome d’Asperger. Il représente un comptable idéal, de par sa grande affinité avec les nombres et son incapacité à socialiser. Ce manque d’empathie fait de lui quelqu’un de confiance, puisque cela l’empêche de s’investir émotionnellement dans les contrats qui lui sont confiés. Ayant alors une bonne réputation dans son milieu, Wolff est mandaté par une compagnie robotique fabriquant des prothèses, pour lever le voile sur d’éventuels détournements de fonds, et sera assisté par la pétillante Dana Cummings (Anna Kendrick). Celle-ci pense avoir trouvé la source des fuites et ne se doute pas une seconde du danger que va engendrer cette découverte. En parallèle à ce casse-tête, Christian doit vivre avec son trouble et continuer à gérer les démons de son passé, ainsi que les possibilités que le futur lui réserve.
Le réalisateur Gavin O’Connor nous offre une belle surprise avec ce « Mr Wolff ». Si durant les premières minutes, le long-métrage ressemble à un thriller financier, il se dévoile être, finalement, en plus d’une étude psychologique d’un personnage intriguant, un film d’action détonnant ! Certes, le scénario de Bill Dubuque comporte quelques scories et nous balance plusieurs clichés tels que celui de la jolie fille, présente pour lier le personnage principal au monde réel et servant d’intérêt amoureux. Il introduit aussi des flashbacks, permettant au public de saisir comment Wolff est devenu ce qu’il est, en lui montrant des séquences de son enfance difficile, fouillant sa relation avec ses parents. Cette volonté d’expliquer les origines et les motivations du comptable est pertinente, étant donné qu’elle fait le lien avec l’enquête menée par les deux agents de la Trésorerie, mais prend malheureusement beaucoup de temps sur la trame, temps qui aurait pu être utilisé pour creuser davantage les personnages secondaires, comme celui de Brax (Jon Bernthal), de Medina ou de King. Elle interrompt en outre le bon rythme instauré par O’Connor. Toutefois, il travaille bien avec ces clichés et parvient tout de même à garder du suspense, assez pour faire mariner le spectateur et l’empêcher d’entrevoir (tous) les événements à venir. Il distille les informations et les partage progressivement. On se rend compte que ces individus, sur notre écran, renferment chacun un secret et qu’il faudra lier les différentes séquences, ayant lieu dans le présent et passé, pour les découvrir. Gardez donc un œil ouvert !
Ben Affleck reçoit, en général, plus d’éloges sur ses compétences de réalisateur que d’acteur. Avec son visage lisse, sans charme et ses expressions limitées, il n’est pas très versatile. S’il fallait mentionner ses meilleures interprétations au cinéma, on citerait, sans doute, son rôle du meilleur ami abruti dans « Good Will Hunting » et celui du mari infidèle, suscitant peu de sympathie, dans « Gone Girl ». Et bien, il se trouve que Mr. Affleck réussit également très bien à se mettre dans la peau d’un autiste. Son faciès s’y prête bien et le ton est juste, sans paraître caricatural. L’acteur n’exagère pas, est sous contrôle et donne de la beauté aux différences de Christian Wolff. Il agit selon ses propres règles et se trouve à la limite du bien et du mal. Est-il un bienfaiteur ou un calculateur s’associant à des criminels ? L’intérêt de ce personnage réside dans le fait qu’il semble réussir à nous faire accepter qu’un individu peut être foncièrement bon, même si ses actions sont moralement questionnables. Pour aller plus loin, on peut constater que « Mr Wolff » rassemble les caractéristiques typiques d’un comic DC, ce qui ravira, bien sûr, les adeptes du genre : une personne hors du commun avec un passé souvent douloureux, une donzelle en détresse, un « sidekick » et un vilain sans scrupules. Nous n’avons pas non plus manqué le clin d’œil fait aux fans de « Batman » ou de « Arrow », qui vient renforcer cette idée, avec la présence de la chanson de « Solomon Grundy », faisant allusion au super-vilain de l’univers de DC.
« Mr. Wolff » s’en tire au final très bien. Il allie des scènes d’action bien réalisées et bien pensées, à du drame et de la tension. La mise en scène se veut créative, les découpages sont brutaux et rendent les scènes de tirs percutantes, puis le personnage est assez nuancé pour nous tenir en haleine durant tout le long-métrage. Que demander de plus ?
Mr. Wolff
(The Accountant)
De Gavin O’Connor
Avec Ben Affleck, Anna Kendrick, J.K. Simmons, Jon Bernthal
Warner Bros.
Sortie le 02/11