Qui ne connaît pas la silhouette rondouillarde aux cheveux peroxydés et star du cinéma français, Luc Besson ? Qui est-il ? Comment s’est-il formé ? Comment est-il devenu l’un des hommes les plus respecté du cinéma ?
Un témoignage à charge mais pas seulement. Le Guilcher revient sur la jeunesse de Luc Besson, sa vie à l’étranger, sa passion pour la mer, le divorce de ses parents et son abandon dans un pensionnat brisant ses rêves d’une famille idéale. Cette rupture marquera à jamais le jeune Luc qui trouvera refuge dans un monde, binaire, dont il sera le héros, qu’il se nomme Jacques Mayol, Korben Dallas voire Lucy
A force de volonté, de ténacité, de culot, il réalise des courts-métrage avant de réaliser son premier long, Le dernier combat en 1983. Tourné en noir et blanc, le film reçoit le prix spécial du jury du film fantastique d’Avoriaz … mais Luc oublie ses partenaires, notamment Pierre Jolivet, acteur, coscénariste et coproducteur. Leur chemin se sépare et cette « personnalisation », pour ne pas dire égocentrisme, deviendra la marque de fabrique du réalisateur. En effet, presque tous ses films feront l’objet d’un procès pour un scénariste non crédité, un producteur oublié dans le partage des bénéfices, un réalisateur viré d’un tournage pour diverses raisons mais surtout pour avoir de l’ombre au « maître ». Comme le précise un ancien associé « tout le monde l’a eu dans le cul, sauf Luc, comme d’habitude. »
Viendront ensuite Subway (1985), succès public, et premières critiques acerbes. En 1988, Le grand bleu fera exploser les compteurs avec plus de 9 millions de spectateurs. Dans sa recherche constante de reconnaissance, Besson prend conscience qu’il franchit un cap auprès du public. Cependant, la projection à Cannes est un échec cuisant, les critiques vont bon train « la mer à boire », « Grand blues sur le grand bleu ». Jean-Marc Barr, acteur principal du film, résume ce cinéma en « une sorte de monstre né de la copulation entre l’armée américaine et Love story ».Sans renier son rôle qui lui a apporté la gloire, il classe aujourd’hui le film dans le kitsch des années quatre-vingt.
Suite à ce « lynchage » médiatique, Besson, blessé, décide, pour la suite, de limiter ses rencontres avec les journalistes à la promotion de ses films. Pour lui, la vérité se trouve dans le public qui lui donne cette force de réaliser et d’être du « bon côté de la force ».
Auréolé de ce succès, Besson va bâtir un empire où l’entertainement sera sa marque de fabrique. S’en suivra : Nikita qui lui apporte une reconnaissance publique internationale. Il crée en parallèle sa première société de production et à tout juste à 31 ans il se lance dans Léon avec l’acteur et ami Jean Reno et la jeune Nathalie Portman. Encore un succès !
Ses blockbusters, aux scénarios toujours basés sur la même structure, répondant à la doxa Hollywoodienne, où l’homme providentiel sauve le monde lui permettent de se développer sur le marché américain. Ainsi, de Subway au Cinquième Elément, en passant par Léon, ces films ne seront que des succès et marqueront à chaque fois une étape dans la conquête du Graal Hollywoodien. A partir de Jeanne d’Arc, Luc prend de la distance avec la réalisation et confie la caméra à d’autres : Kassovitz, Kounen, …
Besson se concentre alors sur le développement d’EuropaCorp et de sa holding personnelle Frontline. Le développement de ses sociétés permet de contrôler de A à Z la production d’un film, d’économiser sur les intermédiaires et d’accumuler les gains à chaque étape.
On ne refuse rien à Luc Besson
L’enquête de Geoffrey Le Guilcher repose sur des témoignages d’anciens collaborateurs ou anonymes afin de casser l’image lisse d’une personne discrète mais omniprésente dans le paysage audiovisuel français, voire mondial. Cherchant la reconnaissance à tout prix, Besson est prêt à tout : reproduction à l’identique de la trame scénaristique, marketing intensif, budgets réduits pour maximiser les profits, omniprésence, omnipotence… Le célèbre « on ne refuse rien à Luc Besson » – notamment lorsque l’on est un banquier – permet un développement faramineux de ses sociétés en quelques années. L’argent coule à flot et comme les frères Weinstein, patron de MIRAMAX, Besson prend le soin de s’entourer de réalisateurs débutants ou sur le déclin afin d’avoir un contrôle totale sur ses productions. Il conserve le final cut et, comme à MIRAMAX, il s’autorise à tourner ou à remonter certaines scènes de films. Les contrats entre les salariés, réalisateurs et EuropaCorp s’étoffent au fur et à mesure des procès. Ainsi Julie Seri, réalisateur partiel de Yamakasi, se fait virer à quelques jours de la fin du tournage et remportera, à force d’obstination, la condamnation du groupe. Mais dans la plupart des cas, comme le précise son avocat « Luc Besson préfère perdre des millions d’euros que perdre un procès médiatique ».
Ainsi, les metteurs en scène sont interchangeables en cours de tournage ou en cours de série. Qui se souvient des réalisateurs de Taxi ? Taken ? Le Transporteur ? Une maxime s’impose « quand un film est réussi c’est grâce à moi, quand il est raté c’est la faute du metteur en scène ».
L’argent, toujours l’argent, produire, produire toujours plus … mais à force de produire des films avec des histoires interchangeables, certains films ne fonctionnent plus auprès du public et seront de plus ou moins sérieux « fours »: Angel A, Adèle Blanc-Sec, The Cody, … Arthur et les Minimoys.
Comme le héros d’Orson Welles, Charles Foster Kane, Luc vit entouré d’une garde reprochée et a son propre Xanadu en Normandie. Il reçoit ses proches ou des journalistes qu’il souhaite « influencer ». Il est régulièrement attaqué pour plagiat, se défend et gagne à chaque fois. Respecté outre-Atlantique, Besson réussit à appliquer les recettes américaines : diminution des coûts, scénario extra simple, marketing, produits dérivés et rentabilité maximisée.
Besson devient une marque et malgré ses nombreuses inimitiés, sa société est cotée en Bourse. Il réussit, avec l’accointance d’élus (époque Sarkozy), à ouvrir des studios de cinéma en Seine-St-Denis avec de l’argent public alors qu’il en est le principal occupant. La Cour des comptes s’en mêle et soupçonne un détournement d’argent public. La sarkozie et ses réseaux sont aussi sur la sellette…
Aujourd’hui, installé à Los Angeles, Luc Besson rêve de développer un tentpole, un projet qui dépassera le milliard de recettes comme G. Lucas ou J. Cameron. Son projet, en cours de développement, se nomme Valerian et s’inspire de la BD éponyme.
Ce livre enquête est passionnant, son auteur a passé deux ans à enquêter, à rencontrer des anciens collaborateurs ou de salariés, souhaitant, pour la plupart, garder l’anonymat. On y décrit un système avec à sa tête, un homme prêt à tout pour réussir. Vous n’y trouverez pas une analyse des films mais bien une analyse du système Besson. Adulés par certains, détestés par d’autres, la machine fonctionne au dépend de la qualité, malgré quelques belles fulgurances.
Luc Besson : L’homme qui voulait être aimé
La biographie non autorisée.
De Geoffrey Le Guilcher.
Edition Flammarion Enquête.