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jeudi, décembre 26, 2024
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Love Exposure

2013 aura été un excellent cru cinéma, mais n’oublions pas que bon nombre de films débarquent directement en DVD dans nos contrées. C’est le cas de « Love Exposure », véritable OFNI, bombe à retardement inclassable de Sono Sion à qui l’on doit notamment les « Suicide Club » et l’hypnotique « Guilty of Romance ». Mais ce n’est là que la partie visible de l’œuvre d’un réalisateur éclectique dont la plupart des films ne sont pas édités en Occident. Une injustice certaine, puisque le réalisateur compose depuis plusieurs années une œuvre protéiforme d’une richesse inouïe qu’il ne cesse de faire évoluer. Retour donc sur ce monument qu’est « Love Exposure » que vous pouvez trouver en DVD et blu-ray depuis avril 2013.

Yû, fils d’un prêtre catholique, est de plus en plus tourmenté par la relation que mène celui-ci avec une femme extravertie en bas résille. Yû reste fidèle au serment fait à sa mère décédée, qui était de trouver une jeune fille semblable à la Vierge Marie. Se sentant coupable face à son père, il s’invente des prétextes pour venir se faire confesser par celui-ci, jusqu’à ce qu’il entame une double vie ; il commence effectivement à prendre des photos de petites culottes sous les jupes des filles de manière très acrobatique. Il rencontre un jour la jeune fille parfaite de ses rêves et qui correspond au serment fait à sa mère, mais il se trouve que celle-ci est la fille de la femme extravertie. Yû tombe donc amoureux de Yôko qui s’avère être sa demi-sœur. Il va tout tenter pour lui prouver son amour, jusqu’à une confrontation avec une ex-fillette violée et devenue recruteuse pour une secte.

Love Exposure
Love Exposure

Difficile de résumer ce film fleuve de quatre heures, qui pourtant ne raconte dans le fond qu’une simple histoire d’amour. Une œuvre traversée par de purs moments de grâce, des ruptures de tons électrisantes. Un film transcendé par le « Bolero » de Maurice Ravel qui lui donne cette apparence de longue symphonie onirique.

Tout dans la démarche de Sono Sion transpire la passion pour une forme de cinéma punk et irrévérencieux initiée lorsque le réalisateur faisait partie du mouvement « Tokyo GAGAGA ». A l’époque, Sono Sion tournait des films de trois heures sans aucuns droits, dans la rue et dans des lieux publics. La première séquence de son film « Suicide Club » où des dizaines de lycéennes sont alignées au bord d’une rame de métro avant un suicide collectif relevait également du tournage guérilla puisque le réalisateur l’a mis en boîte clandestinement. « Love Exposure » peut-être vu comme l’aboutissement logique de toutes ces années d’essais divers, puisque le film déloge constamment le spectateur dans ses certitudes à la manière d’un film expérimental, tout en conservant une structure globale cohérente.

Love Exposure
Love Exposure

Sono Sion fait évoluer ses personnages d’un point A à un point B tout en accumulant un nombre invraisemblable de péripéties avant de les laisser y parvenir, comme autant de défis que les deux héros devraient surmonter avant de pouvoir consommer leur amour. Mais ce tour de force narratif ne pourrait être aussi abouti sans le talent des jeunes acteurs engagés par Sono Sion, presque tous inexpérimentés et âgés de 20 à 22 ans. En voyant le making of du film (au contenu très riche qui suit toute la conception du film), on se rend compte que le réalisateur maltraite ses comédiens pour mieux les pousser dans leurs derniers retranchements. La scène la plus éloquente se situe dans un véhicule sur une plage vers la fin du film, lorsque le personnage de la jeune Yôko se lance dans un monologue bouleversant sur l’amour et la vie. La jeune actrice transmet une émotion très puissante qui retourne le spectateur par son aspect intimiste et universel après plus de deux heures de folies diverses. Et c’est bien là que se situe le cœur de « Love Exposure », dans cette capacité à se muer en grand huit émotionnel brassant presque tous les genres possibles et imaginables.

« A l’avenir, j’aimerais réaliser des films un peu semblables à Love Exposure. […] Des films d’actions, des comédies musicales, des histoires de monstres géants ». Pour ceux qui ont eu la chance de voir son nouveau film « Why Don’t You Play In Hell ? », il semble que le réalisateur aie encore fait évoluer son cinéma tout en conservant cette capacité à brasser plusieurs genres. Une qualité rare qui rend son œuvre absolument indispensable, et qui nous fait d’autant plus regretter que la plupart de ses films ne soient toujours pas édités chez nous. Espérons que cette injustice soit bientôt réparée.

Love Exposure
De Sono Sion
Avec Makiko Watanabe, Itsuji Itao, Takahiro Nishijima, Hiakri Mitsushima…
HK vidéo

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