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jeudi, octobre 31, 2024
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Live By Night ou les ravages d’un réalisateur trop ambitieux

Dans « Live by Night », Ben Affleck vise trop grand et délivre un film à la narration trop chargée, qui se perd dans des explications parfois peu pertinentes.


Le nom de Dennis Lehane vous semble-t-il familier ? Ne répondez pas par la négative trop rapidement, puisqu’il s’agit d’un écrivain célèbre ayant vu plusieurs de ses livres, tels que « Mystic River », ou encore « Shutter Island », être brillamment adaptés au cinéma. Dix ans après avoir délivré « Gone, Baby, Gone », une petite perle également tirée de l’œuvre éponyme de Lehane, Ben Affleck s’attaque cette fois à la relecture de « Live by Night », un roman policier de l’auteur.

L’histoire prend place à Boston, pendant l’époque de la Prohibition, synonyme de soif de pouvoir, de corruption et d’effusions de sang. Des empires mafieux se constituent autour du commerce de l’alcool de contrebande et les règlements de compte sont monnaie courante, puisque chacun souhaite conserver le monopole. Décidé à ne prendre aucun parti dans cette guerre, Joe Coughlin (Ben Affleck), fils d’un commissaire-adjoint (Brendan Gleeson), mène sa vie comme un hors-la-loi. Il se voit mêlé à un triangle amoureux dangereux, quand il tombe sous le charme de la maîtresse d’Albert White (Robert Glenister), le chef de la mafia irlandaise. Bien évidemment, Joe finit par être trahi par son ambition et ses sentiments, qui le mèneront non seulement dans un cercle vicieux de vengeance, mais à devenir aussi le prince de la pègre entre la Floride et Cuba.

« Live by Night » réunit toutes les caractéristiques d’un film de gangsters avec la présence de femmes fatales (Sienna Miller, Zoe Saldana), truands intimidants (Robert Glenister, Remo Girone), martyrs (Elle Fanning), trahisons, d’alliances et beaucoup de morts. Ces éléments, ainsi que la photographie attrayante de Robert Richardson, permettent au spectateur de se sentir transporté dans les années 20. Toutefois, ce long-métrage ne dégage pas une atmosphère de cruauté ou de crime, aussi intense que dans « Le Parrain » ou « Scarface ». Il n’exalte pas la force meurtrière de ces organisations criminelles, mais choisit d’emprunter une voie plus retenue. Le film d’Affleck est plus une invitation à découvrir l’ascension d’un homme avide et passionné, qu’un film de gangsters, conférant ainsi à « Live by Night » un style plus unique, mais permettant aussi à l’audience, de rester captivée grâce au contexte de l’histoire. Au niveau de la mise en scène, de la bande sonore et des décors, la qualité du film ne déçoit pas. Il possède de bons moments énergiques et où la réalisation impressionne, notamment dans les scènes de courses-poursuites à Boston et de fusillade dans les escaliers d’un hôtel à Tampa. De ce point de vue, Ben Affleck prouve une fois de plus qu’il est un réalisateur à prendre au sérieux.

Les problèmes majeurs du film se situent dans la narration qui se perd parfois et la volonté d’en faire trop. Affleck cherche à présenter les conséquences de l’arrivée des jeux et de la violence dans les grandes villes, l’organisation du commerce et de la production de l’alcool, la menace constante du racisme aux États-Unis et les agissements du Ku Kux Klan, plus la capacité d’une jeune femme prêchant la parole de Dieu à déplacer les foules grâce à ses pensées conservatrices, et tout ceci, en parallèle à la vie amoureuse de ce cher Joe Coughlin. Le long-métrage nous bombarde de sujets variés et de personnages secondaires. Bien que la plupart de ces thèmes soient intéressants, certains finissent par détourner l’histoire de l’objectif principal. Il aurait fallu limiter les sujets à aborder et se concentrer uniquement sur ceux qui semblaient vraiment pertinents, pour les creuser efficacement.

Autre point faible : le protagoniste lui-même. Le bandit Joe Coughlin, contrairement au psychopathe lunatique interprété par Johnny Depp dans « Black Mass », est humain, c’est-à-dire, qu’il a des scrupules, ne prend aucun plaisir à ôter la vie, mais aime vivre confortablement. En soi, le réalisme de ce personnage devrait susciter plus de sympathie du côté des spectateurs, en leur permettant de s’identifier plus facilement, mais tous les personnages apparaissant à l’écran volent facilement la vedette à Ben Affleck. C’est comme s’il cherchait à modérer toutes ses émotions, les faire transparaître uniquement à travers son regard, ce qui, dans certaines séquences, se révèle être un choix judicieux. Si on peut remercier l’acteur de ne pas sur-jouer, on rêve tout de même de voir ce moment où il se décide à lâcher prise et embrasser toutes ses émotions, ce qui n’arrive jamais et nous laisse ainsi frustrés. Frustrés, car l’histoire s’intéresse d’avantage à cet homme au visage stoïque et ne laisse pas l’espace au développement d’autres lignes narratives qui auraient eu plus d’impact pour illustrer et remettre en question cette époque où règnent l’esprit libre et la décadence. Contrariés aussi, parce que l’on a pu avoir un aperçu de ce que le film aurait pu être, en nous offrant certaines belles séquences avec des performances exquises, comme celles d’Elle Fanning et de Brendan Gleeson, mais qui sont raccourcies pour laisser place à des histoires d’amour sans intérêt.

En conclusion, tout comme Joe Coughlin, Ben Affleck a voulu être trop ambitieux. Il tente d’atteindre la grandeur sans succès, avec une histoire de gangsters, qui au final, n’en est pas réellement une. Le réalisateur nous a habitués à tellement mieux…

Live By Night
USA – 2016
Durée: 2h09 min
Action, Drame, Policier
Réalisateur: Ben Affleck
Avec: Ben Affleck, Zoe Saldana, Brendan Gleeson, Elle Fanning, Remo Ginore, Chris Cooper, Sienna Miller
Fox-Warner
18.01.2017 au cinéma

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