Cette réalisation tunisienne critique les administrations du pays et en particulier les commissariats de police locaux. On y découvre de sombres personnages qui manient aussi bien les menaces, l’agressivité que les insultes. Tout est permis pour protéger ses collègues et éviter le scandale. Un film fort mais choquant…
Mariam une jeune tunisienne de 21ans est victime d’un viol un soir à la sortie du Grand Hôtel de Tunis. Choquée, elle décide d’aller porter plainte avec son ami au poste de police le plus proche. Sur place, elle se voit non-seulement insultée pour son accoutrement et sa vie de débauche, mais elle doit aussi faire face à ses agresseurs qui sont policiers eux-mêmes. Un thriller émotionnel tiré d’une histoire vraie qui choque pour différentes raisons et jette un froid sur l’organisation de la justice et des forces de l’ordre en Tunisie.
Autant le dire tout de suite, le film de Kaouther Ben Hania n’est pas destiné à tous les publics. Non pas à cause de la violence des images, mais plutôt pour son côté émotionnel. En plus des conséquences d’un viol à découvrir, nous réalisons avec effroi (pour autant que le film soit réaliste) comment se déroule une convocation dans un poste de police en Afrique du Nord.
Le spectateur ahuri a droit à plus d’une heure de « Gueuleries » incessantes, de chamailleries de mépris et d’intimidation. C’est moche, affreux même. On se rend compte que tous les personnages concernés sont aussi horribles les uns que les autres. La pauvre victime, elle-même nous énerve au bout d’un moment. Son besoin constant de tenir tête à ses agresseurs ne fait qu’envenimer une situation déjà tendue.
« La Belle et la Meute » librement adapté du récit « Coupable d’avoir été violée » de Meriem Ben Mohamed et Ava Djamshidi est composé de plusieurs plans-séquences qui plongent le spectateur dans le réel d’une manière très forte. La réalisatrice a voulu procéder de la sorte pour placer le spectateur dans le même état d’esprit que le personnage de Mariam qui subit un véritable calvaire.
La scénariste qui a pris beaucoup de libertés, explore aussi les codes du cinéma de genre (le thriller et le film d’horreur) à partir du cauchemar vécu durant une nuit par le personnage principal. Kaouther Ben Hania avait en tête des références à ce type de cinéma dès l’écriture du scénario. l’idée principale était de maintenir une tension qui soit à la fois réaliste (l’administration peut amener à vivre un tel cauchemar kafkaïen) tout en assumant les références au genre.
La cinéaste n’a pas voulu faire de Mariam un personnage militant qui croit fermement à un Etat de droit issu du nouvel ordre apparu après la fin du régime de Ben Ali en Tunisie contrairement à Youssef qui est davantage politisé. Elle précise que lorsque l’on subit une injustice, de fait, on devient militant, c’est selon elle comme un réflexe de survie.
Assez bien filmé malgré une forte présence de débats dans des locaux peu lumineux et déprimants, cette réalisation peut compter sur de bons acteurs et actrices un peu trop théâtraux, quand-même.
Les thèmes abordés sont multiples : la corruption, la liberté des femmes, la religion, les droits humains et la lâcheté de certains face à l’adversité.
Nul besoin de critiquer telle ou telle partie. Elles ont finalement toutes tort. On pousse un grand « Ouf » de soulagement à la sortie du cinéma avec l’envie de penser à autre chose. Une certitude, cette création ne va pas favoriser le tourisme local déjà bien fragile.
À noter que ce film à été 5 fois nominé à la 70ème édition du Festival de Cannes sous la rubrique « un certain regard ». Oui, on a vu…
La belle et la meute
TUN – 2017 – 100 Min. – Drama
Réalisateur: Kaouther Ben Hania
Acteur: Mariam AL Ferjani, Ghanem Zrelli, Noomane Hamda, Mohamed Akkari
Trigon Film
18.10.2017 au cinéma