Abel et Ella n’ont rien en commun et pourtant, ils s’aiment passionnément. Ce couple de parisiens nous entraîne l’espace d’une séance dans un monde parallèle, celui des «Cercles de jeux». Bien réalisé et captivant, le premier long-métrage de Marie Monge ne doit rien au hasard.
Ella, une femme un peu frêle, gère le bistrot familial dans un quartier populaire de Paris. Ses journées sont stressantes et les employés, en sous-effectif, ont de la peine à gérer l’afflux des clients. Un soir, pendant le service, un jeune maghrébin dénommé Abel, lui propose de se joindre à l’équipe.
Pris à l’essai, le jeune homme donne satisfaction et Ella pense avoir trouvé la perle rare. Malheureusement, le nouvel arrivant a un gros vice, il est dépendant du jeu.
Abel se rend chaque week-end dans un club privé de la capitale pour miser ses fonds. Surpris en train de voler dans la caisse du restaurant, le banlieusard est poursuivi par la tenancière qui arrive malgré tout à le rattraper.
Séduite par ce mystérieux joueur et intriguée par l’ambiance particulière de ces lieux, Ella se laisse entraîner involontairement par Abel dans un tourbillon destructeur. La proposition anodine du jeune joueur de la rembourser en pariant, cache un réel besoin de partage. En voulant sauver Abel d’une noyade certaine, Ella sombre avec lui, dans son désarroi.
Délaissant totalement son restaurant pour sa nouvelle passion, la gérante embarque, sans le savoir, dans un monde particulièrement dangereux. L’appât du gain, leur fait oublier que la roue tourne. Commence alors la terrible descente aux enfers…
La réalisatrice, Marie Monge née en 1987 a suivi des études de cinéma à l’Université de la Sorbonne Nouvelle à Paris. Elle est scénariste et réalisatrice de plusieurs courts-métrages dont «Marseille la nuit» nommé aux César 2014.
Pour réaliser son premier long-métrage, la cinéaste française s’est rendue dans des Cercles de jeux. Sur place, elle y a rencontré des gens surprenants qui l’ont inspirée pour ses personnages. C’est surtout les perdants (comme Abel) qui ont marqué la réalisatrice lors de sa phase d’observation.
Ces joueurs malheureux, manipulateurs et menteurs, n’ont pas de rapport à l’argent. Ils vivent du jeu et détruisent leur vie comme celle de leurs proches par leur addiction.
Dans ce monde parallèle, toutes les classes sociales sont représentées. Il y a des personnes de tous âges et de tous horizons (les habitués, touristes, fêtards et drogués du jeu). Il est intéressant de noter que ces lieux ont aujourd’hui presque tous disparu à Paris, mis à part le Cercle de Clichy.
L’inspiration première de Joueurs vient autant du monde des Cercles de jeux (sujet peu traité au cinéma) que de l’histoire d’un couple qui envisage leur histoire d’amour comme une partie de hasard.
Les deux protagonistes, Stacy Martin (Ella) et Tahar Rahim (Abel) sont complémentaires malgré leurs différences. Le premier a un tempérament excessif, parfois agressif quant à l’héroïne du film, elle cache derrière ses airs de femme fragile une complice idéale.
La tension est constante dans le film. À chaque partie de cartes on retient son souffle, comme si il s’agissait de notre propre mise. Les plans sont excellents et le scénario est original. En plus de la thématique du jeu, nous faisons face à une histoire d’amour hors du commun. Les personnages issus de deux mondes totalement opposés se retrouvent dans une passion excessive et destructrice.
La Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2018 a donné l’occasion à la cinéaste Marie Monge de mettre en avant son premier film. Très talentueuse, la réalisatrice réussit à nous transporter, l’espace d’une séance, dans un monde extraordinaire où règne passion et danger.
Joueurs
FR – 2017
Durée: 1h45 min
Suspens, Drame
Réalisatrice: Marie Monge
Avec: Tahar Rahim, Stacy Martin, Bruno Wolkowitch, Karim Leklou, Marie Denarnaud, Jean-Michel Correia, Henri-Noël Tabary
Agora Films
08.08.2018 au cinéma