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samedi, décembre 21, 2024
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Interview : Yvan Attal et le pouvoir des mots

Laurent Billeter
Laurent Billeter
Le 7ème Art, pour moi c'est tout une histoire, Plus qu'une passion, qu'une grande occupation, D'Hollywood à Bollywood, De Michael Bay à Jean Marais, Je me complais dans ce milieu fabuleux.

Le réalisateur s’est confié à notre micro en revenant sur son récent film qu’est « Le Brio ». Dans un hôtel feutré à Lausanne, il livre aussi ses souvenirs de tournages et explique une partie de son parcours professionnel.

Avant tout Monsieur Attal, que signifie « Le Brio » pour vous ?
Cela représente l’éloquence. Mais aussi être doté d’une bonne dose de malice et arriver à se remettre en question fréquemment. L’importance de ces principes, et bien d’autres, est une partie de ce que nous avons voulu montrer au travers de notre long-métrage.

Il s’avère que le scénario a été intensément modelé, car il s’agissait d’une comédie à la base. Mais pourquoi avoir choisi ce ton plus sérieux et plus proche de la réalité ?
Il n’est pas beaucoup plus grave que le projet de base, car j’espère toujours pouvoir faire rigoler le public. Mais j’avoue m’être réapproprié l’histoire en ajoutant mon humour tout en la développant avec plus d’intimité. En lisant l’histoire de cette fille, je me suis quelque peu reconnu, car ma famille ne pouvait pas m’emmener à des endroits prestigieux comme l’opéra. J’ai aussi grandi dans une banlieue et à l’époque, je ne me prédestinais pas à être acteur, réalisateur ou même jouer sur les planches. Étrangement, c’est en m’inscrivant à un cours de théâtre que je me suis plus intéressé à ce que je dédaignais. Je me suis même mis à lire des auteurs me paraissant rébarbatifs lorsque j’étais lycéen. Et grâce à mon ancien professeur de théâtre, je me suis ouvert à d’autres sujets puis professions.

Avec « Le Brio », j’ai eu envie de dire aux jeunes venant de banlieues comme moi que tout est possible. Peu importe si une sorte d’inhibition les freinent ou bloquent, la vie et certains enchaînements peuvent provoquer de nouvelles perspectives.

Vous venez de terminer deux tournages comme réalisateur et scénariste. Avec « Le Brio » par contre, vous étiez plus entouré qu’habituellement. Comment cela s’est-il passé ?
En fait, la réalité diffère quelque peu par rapport à votre question. Lorsque j’ai reçu la première version écrite du scénario, elle avait déjà été écrite par deux personnes ce qui fait deux premiers noms au générique. Vous ajoutez mon travail, donc une troisième personne mentionnée. Quant à la quatrième, elle s’était investie pour une relecture complète avec un œil neuf et un meilleur recul. C’est très souvent que j’utilise cette méthode de travail et donc que quelqu’un d’externe au projet s’y consacre.

En voyant le film pour la première fois, je n’ai pu m’empêcher de penser que vous proposiez un pied-de-nez à Daniel Auteuil. Jouant le cancre dans les « Sous-doués », il devient à son tour professeur. Cette hypothèse amusante, a-t-elle un fond de vérité ?
Ah oui, effectivement, c’est assez marrant de songer à ce changement de rôle. Je n’avais même pas fait la relation pour être honnête et du coup, cette situation est purement involontaire.

Devant la caméra, on découvre aussi Camélia Jordana, qui est l’étudiante. Que connaissiez-vous d’elle avant de la rencontrer ?
Je savais très peu de sa vie et son parcours, mais ce que j’avais retenu d’elle me semblait essentiel. Je l’avais entendue chanter lors de la cérémonie de commémoration des attentats du 13 novembre 2015 à Paris (pour rappel, il s’agissait des attaques simultanées au Bataclan, entre autres). Je l’avais aussi vue en couverture de l’Obs (magazine d’actualité français) en « Marianne » avec le sein nu. C’est ainsi que j’ai eu le sentiment qu’elle était en lien avec l’état d’esprit du « Brio ». Nous nous sommes rencontrés par la suite, elle a passé les essais et continua à me paraître très juste pour le rôle.

Jean-Philippe Puymartin, acteur et comédien en doublage (pour Tom Cruise et Tom Hanks notamment), est aussi présent dans le « Brio ». Pourquoi l’avoir choisi ?
Parce que j’apprécie beaucoup l’homme et qu’il avait déjà joué dans mon précédent long-métrage « Ils sont partout ». Ce qui est amusant, totalement paradoxal, mais sans rapport avec sa présence dans mon film, c’est qu’avant lui, je doublais Tom Cruise. Mais depuis plusieurs années, j’ai cessé cette activité et c’est ainsi que le flambeau lui a été passé.

Durant « Le Brio », quelques échanges dans la langue algérienne sont émis. Comment aviez-vous choisi et défini les phrases ?
J’ai demandé à traduire ce qui avait été écrit en français dans le scénario. Tout en laissant place à une situation comique et à l’improvisation, je savais donc en amont que les comédiennes allaient tourner cette séquence en algérien.

De nombreux plans se font au sein de l’université d’Assas. Un des plus impressionnants est celui dans l’amphithéâtre. Comment avez-vous fait pour la planifier ? Quel a été le plus complexe pour cette scène ?
C’était compliqué parce que nous tournions durant un cycle où les élèves avaient encore leurs cours. En fin de compte, nous avons eu à disposition ce grand amphithéâtre durant la période de Noël qu’il a fallu remplir avec énormément de figurant-e-s. Notre tournage dans cette université s’est aussi avéré être une vraie gymnastique, notamment au niveau de la réalisation et logistique humaine. Nous savions qu’il nous serait impossible d’être en continu avec les 700 figurant-e-s (notamment à cause des coûts) pour toutes les prises. C’est pourquoi, nous devions être efficaces, vifs et méticuleux afin d’enregistrer les plans larges nécessaires.

Quels souvenirs gardez-vous du tournage du « Brio » ?
Que des bons souvenirs sur ce film qui a été très fluide. Dans le sens où le scénario qu’on m’avait présenté n’était pas parfait, mais déjà bien posé. « Le Brio » s’est aussi financé facilement et les producteurs m’ont laissé une bonne liberté. Le casting complet et l’équipe technique ont été extraordinaires, très gentils et chaleureux. Quant au montage, il s’est fait très vite et avec une grande limpidité.

Avez-vous le sentiment que le personnage que joue Daniel Auteuil est raciste ?
Pas du tout. Il est clair que ce protagoniste prend du plaisir à provoquer, surtout lorsqu’une perche lui est tendue et qu’il l’a saisie. Mais à aucun moment, il ne s’exprime ainsi. Par contre effectivement, il est cynique et cherche à susciter des réactions. Cependant, ce personnage souhaite aussi débattre et bousculer ses élèves pour les sortir de leurs zones de confort. Par le biais de son interprétation, il est aussi évident que Daniel Auteuil s’attaque à tout le monde à l’exemple des échanges verbaux avec la femme bourgeoise. Il se perçoit aussi comme une personne solitaire, mangeant seul à l’extérieur par exemple.

En fait avec vos différentes implications dans le milieu du cinéma, que préférez-vous être entre acteur, réalisateur ou scénariste ?
Pour moi, ce sont des métiers très proches, bien que je ne sois pas scénariste pour d’autres metteurs en scène. Je n’ai jamais écrit un scénario que je n’ai pas tourné. Mais à la base, je ne savais pas que j’étais capable de le faire. Je m’en suis rendu compte lorsque je cherchais une personne pour l’écriture de ce qui allait devenir mon premier film « Ma femme est une actrice ». J’avais rencontré beaucoup de professionnels dans ce domaine, mais constatant leur lenteur, j’ai décidé de me lancer. Me pensant d’abord incapable, tout est finalement devenu fluide. Lorsque j’ai commencé à faire la profession d’acteur, je n’étais pas encore certain de rester devant ou derrière la caméra. Pour moi, c’est la même passion bien que le métier diffère parfois.

Parmi tous les scénarios que vous recevez chaque année, que vous faudrait-il pour tenter l’aventure aux Etats-Unis ?
Il est vrai qu’il est tentant de travailler dans ce pays pour mener à bien des projets à grandes envergures et au budget élevé. Pourtant, ce n’est pas mon cas, car je ne suis pas un réalisateur souhaitant entreprendre de telles démarches. Certes, j’ai aussi participé à des tournages de grosses productions sous la direction de Steven Spielberg (« Munich »), mais uniquement en tant qu’acteur. J’avais même réalisé un court-métrage pour « New York, I Love You » (il s’agissait d’un film qui en regroupaient plusieurs). Toutefois et pour moi, ce n’est pas un but ultime de m’investir avec de tels desseins.

Il m’est déjà arrivé de recevoir et lire un scénario américain, mais jusqu’à présent cela ne m’a jamais parlé. Je serais prêt à m’investir pour un film en anglais aux Etats-Unis, si l’histoire me touche et que cela m’est cohérent. En plus, je pense que l’aventure aux USA peut être très compliquée pour un réalisateur français. Dans notre pays, nous avons beaucoup de chances de pouvoir faire les choses d’une certaine manière. Je n’envie pas du tout les metteurs en scène américains qui peinent souvent avec les studios, les assureurs ou syndicats. Les quelques français ayant tenté cette expérience ont souffert, ce que je conçois tout à fait.

En réfléchissant, peut-être qu’étant plus jeune cela m’aurait davantage intéressé de travailler avec des acteurs qui m’ont donné envie de faire du cinéma. Mais aujourd’hui, même si beaucoup sont extraordinaires aux Etats-Unis, pour moi la France a aussi des personnes talentueuses.

Enfin, en 2007, vous aviez côtoyé Jackie Chan et Chris Tucker dans « Rush Hour 3 ». Pourquoi et comment aviez-vous participé à ce tournage ?
Le réalisateur Brett Ratner était venu à Paris pour son film et cherchait des comédiens pour un rôle. La directrice de casting de « Rush Hour 3 » m’avait contacté en me demandant si je souhaitais passer les essais. Mais je ne connaissais pas du tout cette réalisation. C’est mon fils, qui était à côté de moi et trépignais de joie, qui m’a expliqué de quoi il s’agissait et surtout, qui m’a convaincu. C’est donc pour lui que j’ai participé à ce sympathique tournage.

Le Brio
FR   –   2017   –   Comedy
Réalisateur: Yvan Attal
Acteur: Daniel Auteuil, Camélia Jordana, Florie Sorel
Pathé Films
22.11.2017 au cinéma

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