Dix ans après la 1ère animation primée au « festival de Cannes » et aux « Césars », « Ernest et Célestine » reviennent dans un tout film animé qui mêle musique et amitié. Toujours avec des dessins colorés, fins et délicats… Et ce qu’il faut pour nous faire rêver. Rencontre avec l’un des coréalisateurs, Julien Chheng.
Pourquoi avoir choisi une nouvelle aventure d’ « Ernest et Célestine » 10 ans après la 1ère adaptation sur grand écran ? C’est un choix du producteur Didier Brunner. D’ailleurs 2012, c’était la 1ère animation sur laquelle j’ai œuvré en tant qu’animateur de personnages. Il nous a contacté avec Jean-Christophe Roger pour réaliser la série pour la télévision en 2017. Et c’est vraiment à l’issue de cette collaboration, que Didier nous a soumis l’idée qu’il aimerait en faire une seconde. Il nous a fallu 4 ans pour aboutir à une version de scénario qui lui convienne. Et à ce moment-là, il nous a fait venir pour transposer ce scénario en ce qui allait devenir l’animation « Ernest et Célestine: Le Voyage en Charabie ». Ça a pris autant de temps parce qu’il y avait aussi ce désir de ne pas faire forcément une suite, mais une nouvelle animation dont l’histoire pourrait justifier un autre opus au cinéma.
De quelle manière avez-vous décidé que « Le Voyage en Charabie » serait la bonne adaptation ? Avec Jean-Christophe, on est vraiment tombés sous le charme de cette histoire. Le scénario originel a été écrit par Guillaume Mautalent et Sébastien Oursel, avec l’aide de Jean Regnaud. Quand on l’a lue, on a senti son potentiel ainsi que l’amitié très forte de ce duo. Car « Ernest et Célestine » se confrontent à un nouveau pays qui est régi par des lois un peu absurdes et qui empêchent par exemple, les enfants de choisir leur propre métier. Dans ce pays, toutes les notes de musique et la musique elle-même, sont interdites, sauf le dos. Pour nous, c’était le symbole aussi de toutes ces voix qui sont muselées dans certains pays au profit d’une seule autorisée. Donc à travers cette interdiction, on parle de choses beaucoup plus grandes.
Quel est votre livre préféré d’ « Ernest et Célestine » et pourquoi ? Je viens du dessin et en suis amoureux. Donc, ce sera « La Naissance de Célestine » qui est un album beau d’un point de vue pictural. Parce que Gabrielle Vincent (l’auteure), est une formidable peintre. D’ailleurs à son époque, c’était assez mal vu de travailler pour l’illustration jeunesse comme peintre. Mais, elle a apporté à ce milieu une exigence artistique différente. Ce qui a fait d’ « Ernest et Célestine », une œuvre qui se démarque. On est un peu dans cet héritage parce qu’on propose une animation qui s’adresse aux enfants. Mais qui contient quand même des thèmes exigeants, comme des conflits familiaux.
La musique a beaucoup d’importance dans cet univers magique d’ « Ernest et Célestine ». Pour quelles raisons ? Parce qu’elle est pour nous, un symbole hyper intéressant à développer. On a travaillé avec Vincent Courtois, qui avait déjà signé la musique de la 1ère animation et celle de la série pour la télévission. Très tôt dans le processus de fabrication de l’animation lorsqu’on esquissait avec Jean-Christophe le storyboard, on a demandé à Vincent de concevoir la musique. Ou en tout cas, des petites phrases musicales et maquettes qui allaient nous servir à donner le ton de certaines séquences et scènes. On avait aussi besoin que sa musique puisse guider parfois même la narration. Parce qu’on parle d’un pays qui s’est emmuré dans le silence. Donc, il fallait partir d’une partition très, très minimaliste avec une seule note pour petit à petit, rééclairer, rouvrir la musique en apportant d’autres notes pour finir en apothéose avec une libération totale. Pour ça, on avait besoin de sa progression musicale qui nous permis de concevoir les scènes et de raconter l’histoire.
Vous avez engagé plusieurs comédiens de doublage pour le « Voyage en Charabie ». Comment s’est passé le choix de ces rôles en plus de Pauline Brunner et Lambert Wilson ? On a eu la chance d’être entourés de formidables comédiennes et comédiens. Par exemple, Céline Ronté qui joue la mère d’ « Ernest » et est une formidable comédienne de théâtre, a aussi fait beaucoup de direction de plateau. Elle a joué une mère et docteure complètement passionnées et hilarantes. On a aussi Michel Lerousseau qui est le comédien interprétant le père d’ « Ernest ». Il nous fallait quelqu’un qui puisse très bien chanter. Parce que t sans dire trop en dire, c’est quand même un personnage complexe qui cache un certain goût musical. Et on a Christophe Lemoine qui joue un très beau chef de la police, complètement excité et hystérique.
Entre votre collègue à la réalisation Jean-Christophe Roger qui n’a malheureusement pas pu venir, et vous-même, d’après vous, qui est « Ernest » et qui est « Célestine » ? Je crois et sans trahir Jean-Christophe, sans parler à sa place, qu’ il est plus « Ernest » et moi je suis plus « Célestine ».
Pourquoi donc ? Parce que Jean-Christophe a… peut avoir ce caractère, un peu ours. Et en même temps, il est très doux. Et moi, je peux être plus… Je suis plus jeune, donc peut-être un peu plus foufou, téméraire. Mais après, ce qui était rassurant, c’est qu’à 2, on forme un bon duo qui se complète très bien. C’est ce qui nous a permis de faire cette réalisation ensemble.
Plusieurs scènes « d’action » ont lieu dans les nouvelles aventures des 2 compères. Quelle fut la plus simple à conceptualiser ? Quand on a conçu « La Charabie », on a vraiment joué avec le jeu des tire-fesses, du funiculaire et des tramways, qui sont les moyens de locomotion de la ville. On savait qu’à un moment donné, ils allaient être poursuivis par les policiers et on voulait vraiment jouer sur ces poursuites aériennes. On a « Célestine » par exemple, qui essaie de semer les policiers accrochés à un tire-fesse. On avait remarqué que le jeu des fils par lesquels ils sont suspendus sur ces tire-fesses, quand ont les regardait d’assez loin, ça donnait l’impression d’une partition avec des petites notes de musique.
Et ça a été une idée visuelle qui est arrivée assez vite. On s’est dit : « Dans cette séquence de poursuite entre « Célestine » et les policiers, on aimerait bien ajouter l’impression d’une partition de musique qui s’anime devant nous ». Et on est donc restés dans le ton et l’esprit de l’animation.
Ernest et Célestine: Le Voyage en Charabie
FR – 2022
Durée: 1h19 min
Animation, Familial
Réalisateurs: Julien Chheng, Jean-Christophe Roger
Avec les voix de: Lambert Wilson, Pauline Brunner, Céline Ronté, Michel Lerousseau, Lévanah Solomon, Christophe Lemoine
Frenetic Films
14.12.2022 au cinéma