Le réalisateur irako-helvétique Samir nous raconte pourquoi il a choisi de raconter l’histoire de sa famille avec son documentaire « Iraqi Odyssey ».
On vous connaît sous le nom de Samir. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas y attacher votre nom de famille ?
(Rires) C’est une longue histoire. Pendant longtemps, les critiques ont écorché mon nom. J’ai alors pensé que mon prénom en cinq lettres serait plus facile à retenir. Quand j’ai pris cette décision, on était dans les années 80, au temps de Madonna, Prince, Miou Miou (rires). L’autre explication est liée à l’engagement politique qui transparaît dans mes films. Je préfère protéger ma famille de toute menace.
Votre famille vous a-t-elle soutenu à vos débuts ?
Je suis entouré de médecins, de juges…Je me souviens que mon père a mal réagi quand je lui ai parlé de mon souhait de devenir réalisateur. Toute ma vie, je peux dire que j’ai été un vilain petit canard (rires). On m’a considéré comme un réalisateur sérieux sur le tard.
Comment avez-vous débuté votre carrière de cinéaste ?
J’ai commencé à faire mes armes comme assistant caméra dans une boîte de production de publicité. J’ai appris sur le tas. Jusque là, je considérais les réalisateurs comme des dieux vivants, et cette expérience m’a permis de démystifier cette fonction. Je suis ensuite entré dans un collectif de jeunes réalisateurs à Zürich.
Comment vous est venue l’idée de remonter votre arbre généalogique, et à travers lui, de raconter la mémoire de l’Irak ?
Je dis souvent à ma femme que ce film a été ma psychanalyse. En tournant « Forget Bagdad » sur les juifs irakiens vivants en Israël, j’ai rencontré des personnes sensiblement similaires à mes oncles et tantes. Je veux dire par là que je percevais en eux les mêmes espoirs et les mêmes renoncements. C’est pendant cette période que l’idée de faire un film sur ma famille a germé. Mon envie a été avant tout de raconter et d’honorer une génération qui a essayé de mener les pays arabes sur le chemin de la modernité.
Vous vouliez aussi donner une autre image de l’Irak ?
En effet, « Iraqi Odyssey » donne un contre-champ de l’image stéréotypée qu’on a de ce pays, même si ça n’était pas l’objectif premier du film. Le plus important pour moi est de rappeler aux jeunes arabes d’aujourd’hui, qu’il a existé un temps où, par exemple, leurs mères n’étaient pas voilées. Je peux dire que les jeunes artistes arabes qui ont participé à la fabrication du film ont été les premiers surpris de voir cet Irak des années 50-60.
Vous comparez votre tante Samira à Ulysse. Pourquoi ce parallèle avec l’Odyssée d’Homère ?
Ma tante Samira a vécu une véritable odyssée en traversant des milliers de kilomètres : Moscou, Bakou, Beyrouth… Mais au fond, je crois que tous les membres de ma famille ont une part d’Ulysse en eux. Moi-même, pour rencontrer ma tante Samira, j’ai dû traverser l’interminable océan Pacifique. N’étais-je pas un Ulysse à ce moment là ? (Rires).
En débutant votre projet, aviez-vous peur que les membres de votre famille vous ferment leurs portes ?
D’entrée de jeu, il fallait que je les rassure en leur disant qu’ils valideraient le film avant sa sortie. Je leur ai donc présenté le film, et tout s’est bien passé. Avant ça, j’étais bien sûr très nerveux.
A-t-il été difficile de réunir les archives qu’on voit à l’écran ?
Oui, beaucoup de temps et d’énergie. J’ai sous-estimé à quel point les archives du pays ont été détruites par les guerres successives. Heureusement, de nombreux documents survivent grâce à des initiatives privées. Même si on sait la fragilité de la fiabilité de ces sources, on trouve énormément de choses sur les réseaux sociaux, You Tube, Pinterest et j’en passe. C’est touchant de voir que beaucoup de gens ont à cœur de donner de leur temps libre pour conserver ces images.
Vous confiez que vous ne voyez pas votre départ d’Irak comme une fuite, mais comme une aventure…
Ma fille me demande parfois si je ne me sentais pas comme un réfugié… J’avais 6-7 ans et mes parents ont évité de me parler du danger auquel nous étions confrontés. On est tous pareils, on essaie de préserver l’innocence de nos enfants.
La suite…
Je me lance dans un film choral de fiction « Café Abu Nawas ». Ayant vécu dans des temps reculés, Abu Nawas est un poète relativement connu qui avait pour thèmes fétiches l’amour du vin et des garçons. Le film se déroulera dans un café où se croisent les vies turbulentes de migrants en quête de liberté…
Iraqi Odyssey
De Samir
Look Now!
Sortie le 03/02