Vous avez presque entièrement tourné « Maniac » en caméra subjective, quelles étaient les principales difficultés liées à ce choix de mise en scène ?
C’est difficile de faire un film où tu ne vois pas le personnage principal, surtout que dans l’original ce qui m’avait le plus marqué, c’était cette empathie que j’avais resentis pour ce personnage horrible qui faisait des choses horribles mais que j’avais aimé. Dans mon film, étant donné l’utilisation de la vue subjective, je ne pouvais pas filmer Elijah (Wood). Il fallait donc que je trouve une façon de le voir, de faire ressentir cette empathie. Lorsque j’ai fait des recherches sur les serial killers, certains disaient avoir vécu des espèces d’expérience oû ils se voyaient de l’extérieur, ils sortaient de leur corps. J’ai trouvé cela vachement intéressant, j’ai donc essayé de trouver des façons de sortir, de voir le personnage d’Elijah. Le danger de la vue subjective est de lasser très rapidement le spectateur. Il devait y avoir quelque chose de différent dans chaque scène, on devait voir ou apprendre quelque chose de différent. C’est ce qui se passe, le film suprend tout le temps, on ne se lasse pas !
Ce choix implique qu’Elijah Wood est finalement très peu présent à l’écran.
On voit Elijah une trentaine de fois dans le film. Mais on le sent constamment car il est là caché dans le cadre, on est pas sûr de sa présence dans l’image mais on la sent. Elijah était comme un fou, il aimait le concept. C’est quelqu’un qui aime les films d’horreur, les films de genre, il aime ce qui est un peu original. Il n’a pas eu peur de ne pas être présent à l’écran, au contraire. Quand on le voit c’est tellement plus fort, on est content et quand il disparaît on veut le revoir. Ca devient alors intéressant, ça aide à créer de l’empathie pour ce personnage.
A l’annonce du projet le choix d’Elijah Wood pouvait paraître discutable à cause de son physique radicalement différent de celui de Joe Spinell. Vous « jouez » d’ailleurs avec cette différence à plusieurs moments dans votre film, notamment dans une scène où Frank se fait humilier par un homme dans des toilettes.
Frank est un lâche, il ne peut que se venger sur des femmes. Quand c’est contre un homme, surtout un chauve, il ne peut pas lui enlever le crâne… c’est un petit lâche ! Quand on commence le plan, on pense qu’il va attaquer cet homme. On le voit hésiter, puis changer d’avis. Il se dit « ah non, je ne suis pas gay » et s’arrête. C’est une scène que j’aime !
A l’époque du premier « Maniac », William Lustig (le réalisateur) s’était beaucoup documenté sur les serial killers. Est-ce que vous avez également effectué des recherches sur le sujet ?
Oui, ce qui m’intéressait principalement c’était la psychologie. Bourgoin a fait de supers recherches très détaillées sur ce sujet. William Lustig et Joe Spinell étaient un peu les premiers à exploiter ce sujet au cinéma. Cependant, les serial killers existaient déjà avant « Maniac » et ils existent toujours, ils sont encore là !
Comment êtes-vous arrivé sur ce projet de remake ?
Thomas Langmann (producteur de « The Artist ») et Alexandre Aja (réalisateur de « Haute tension » et « La colline a des yeux ») m’ont approché mais j’ai d’abord refusé. Je n’étais pas intéressé à faire un remake de ce classique, sauf si on trouvait un moyen de faire quelque chose d’original. Il y a tellement de films qui ont copié « Maniac », il fallait donc trouver quelque chose de frais. Les spectateurs étaient choqués à la sortie de l’original, il fallait essayer de retouver ce sentiment et d’obtenir une performance d’acteur afin de retrouver ce sentiment d’empathie qui m’avait plus choqué que le gore à l’époque. J’étais très choqué par ma réaction, ça m’avait énormément touché en tant que cinéaste.
Pourquoi avoir « abondonné » certaines scènes cultes de l’œuvre originale, notamment celle du meurtre de Tom Savini (l’explosion de la tête) ?
Il fallait laisser cette séquence tranquille, cette scène a déjà vécu. On avait déjà repris le nom des personnages principaux pour des raisons d’exploitation mais ce n’était pas nécessaire de refaire cette scène, qui à mon avis choque gratuitement alors que c’est tellement plus intime de couper avec un couteau, c’est tellement plus violent et plus classe !
Pourquoi avez-vous transféré l’intrigue de New York à Los Angeles ?
J’ai essayé de trouver une ville en Amérique qui ai ce coté crade des années 70. Les down town de L.A. sont super crades, c’est « dark » et ça ressemble finalement plus au New York de l’époque. Il y a ce mélange d’argent et de pauvreté, de dangers, d’artistes. Il était impossible de filmer une ville vide taguée de partout, ça n’existe plus. La première version du scènario était située a New York dans les mêmes endroits que l’original. J’ai vécu à New York pendant des années et si une femme se met à crier, 35 personnes déscendent immédiatement dans la rue armées de battes de baseball. A L.A. tu peux crier, personne ne viendra parce que c’est une ville étallée. C’est crade, c’est dégeulasse et dans ce genre de décors tu peux croire qu’une femme peut disparaître.
La relation entre Anna et Frank est très différente par rapport à celle de l’œuvre originale. Pourquoi avez-vous voulu la modifier ?
Lorsque j’avais vu « Maniac », j’avais eu du mal à croire à la relation entre Joe Spinell et Caroline Munro. Ca m’avait un peu sorti du film, je ne comprenais pas comment une femme comme elle pouvait être attirée par Frank. La relation entre Nora et Elijah est plus « propre », plus crédible. Le public est trop sophistiqué aujourd’hui, surtout les spectateurs du genre, ce sont les plus grands spectateurs de cinéma. Ils aiment tout le cinéma, pas que le cinéma de genre, au contraire du grand public qui aime des films plus modérés. Les spectateurs de genre sont les plus critiques, les plus cinéphiles je trouve.
Vous vous êtes également réaproprié la phobie des mannequins de Frank Zito en la transformant en une véritable psychose. Vous livrez ainsi une scène finale vraiment très belle !
C’est beau mais c’est terrible, c’est marrant de dire que cette scène est belle alors que c’est horrible. Je pense que c’est ça qui marche dans le film, il y a une forme de beauté dérangeante. On ne s’attend pas à ce que des actes aussi violents puissent paraître si beaux, c’est tellement beau de faire du mal !
Quels sont les retours suite aux premières projections de « Maniac » ?
Le film n’est pas encore sorti au Etats-Unis, ni nul part d’ailleurs. Aux Etats-Unis, nous avons un distributeur mais il n’y pas encore de date de sortie prévue contrairement à la France (le 2 janvier 2013) et à la Suisse (le 26 décembre 2012). « Maniac » est choquant et fait peur à plein de monde. Les mauvaises critiques que j’ai lues sont bien meilleures que les bonnes, ils sont tellement énervés et écoeurés que ça doit donner plus envie de voir le film.
Quelles sont les principales reproches qui ont été faites au film ?
Mysogine, gratuit… Certaines personnes ont dit que les cenceurs devraient couper du premier au dernier plan !
Quelle a été l’implication d’Alexandre Aja sur « Maniac » ? Quel genre de producteur est-il ?
Alexandre Aja n’a jamais voulu réaliser ce remake. Il en a écrit le scénario et était assez souvent présent durant le tournage. C’était bien de l’avoir, c’est une personne intelligeante qui a de bonnes idées. C’est super important d’avoir un producteur en qui on peut avoir confiance. C’est dur de convaincre un producteur de t’amener quelque chose s’il ne croit pas aux mêmes idées. Aja est un gros fan de genre qui nous a tous initiés, notre équipe a commencé avec « Furia » puis « Haute tension ». C’est drôle, on écrit plein de choses différentes mais c’est le genre qui nous aide à concrétiser des projets.
Un énorme MERCI à Franck Khalfoun et Damien Sarrazin pour leur disponibilité et leur gentillesse.