L’incroyable histoire vraie d’une jeune femme surdouée devenue la reine d’un gigantesque empire du jeu clandestin à Hollywood est le tout nouveau film du réalisateur Aaron Sorkin qui s’est imposé comme l’une des plumes les plus brillantes de notre époque. Ce passage derrière la caméra s’apparentait à un coup de poker mais Aaron Sorkin n’allait pas à tapis sans quelques belles cartes dans sa manche. Rencontre face à face, sans tour de passe-passe, lors de sa venue au Zurich Film Festival 2017.
Vous venez de diriger votre premier film. Comment cela est-il arrivé ou plutôt pourquoi avec vous attendu si longtemps ?
Quand j’écris une scène, je veux vraiment le meilleur directeur que l’on puisse trouver. J’ai toujours eu énormément de chance, j’ai toujours travaillé avec d’excellents directeurs et j’ai envie de continuer. Dans ce cas particulier, les producteurs et moi avons discuté du fait que ce soit moi qui le dirige, car pour la première fois, je sentais que ça pouvait être moi le meilleur directeur pour ce film. C’est étrange à dire et je ne suis pas totalement à l’aise pour le dire, mais ils m’ont laissé un temps de réflexion et j’ai reçu beaucoup d’encouragements dans ce sens. Et j’avais un groupe de personnes très talentueuses qui travaillaient avec moi et m’aidaient et c’est comme ça que la décision a été prise.
Est-ce à cause du personnage que vous vous êtes dit je suis prêt à le faire ?
ça fait deux ans que je sais que je vais avoir besoin d’avoir une réponse claire et succincte à la question que vous me posez, mais je n’ai toujours pas trouvé de réponse. Pourquoi est-ce le film que j’ai senti que je devais diriger ? Je ne sais pas. Ça a en parti à voir avec l’histoire de Molly Bloom, Il y a un nombre de différents films qu’on peut faire à ce sujet mais je n’avais envie d’en faire aucun autre, je voulais celui-ci. Et j’ai compris qu’il y allait avoir un pôle gravitationnel autour des objets brillants, de la décadence, de l’argent, et du sexe et évidemment l’histoire se passe dans le contexte de tout ça, mais j’ai senti qu’il y avait une histoire plus grande et plus émouvante à raconter. Et je voulais juste être sûr que c’était l’histoire que l’on raconterait.
Avez-vous travaillé avec elle sur le script ?
Je n’ai pas travaillé avec elle sur le script mais j’ai passé beaucoup de temps avec elle, car lire le livre ne suffit pas. À un moment dans le film Idris Elba dit à Molly, tu finis ton livre avant que la meilleure partie commence et c’est vrai. Elle a écrit le livre avant d’être arrêtée il y a donc d’autres parties de l’histoire qui ne sont pas dedans, elle n’était, par exemple, pas à l’aise d’y parler de sa relation avec son père. J’ai donc passé beaucoup de temps avec Molly et quand nous sommes devenus à l’aise l’un avec l’autre elle a eu l’envie de partager d’autres histoires et après trois ou quatre rendez-vous avec elle, je lui ai dit que c’est une encore meilleure histoire que ce qu’elle ne croit, et nous sommes partis de là.
Est-ce vous qui avez choisi Jessica Chastain ?
Oui. En fait, Jessica s’est choisie elle-même. J’ai rencontré les meilleures actrices américaines et européennes. Et j’ai eu un rendez-vous avec Jessica et après avoir échangé des plaisanteries elle a dit « Je pense que c’est assez idiot qu’on ait ce rendez-vous, tu devrais directement m’offrir le rôle, tu sais que je devrais le jouer ». Elle avait marqué un point (rires)
Avez-vous ressenti de la pression dû au fait de travailler avec une actrice si célèbre pour votre première fois en tant que directeur ?
Oui, le rendez-vous avec Jessica, et elle ne l’admettra jamais, c’était plus en réalité moi qui auditionnais. Je voulais être sûr qu’elle serait à l’aise avec un directeur qui débute dans ce rôle. Et elle l’a clarifié en disant qu’elle ne m’avait pas considéré comme un directeur débutant au regard de l’écriture que j’avais fait.
Avez-vous aimé diriger ?
Oui, j’ai adoré diriger ce film, travailler avec Jessica, avec l’équipe, les designers. C’est un travail difficile avec de longs horaires de jour comme de nuit, c’est beaucoup de responsabilités, on est très exposé quand on écrit quelque chose, mais j’ai adoré. Comme je l’ai dit, j’ai toujours envie de travailler avec d’excellents directeurs et j’espère que c’était la dernière fois que je dirigeais moi-même.
Vous plaisantez ?
Non, je voulais dire que j’espère que ce n’est pas la dernière fois. (rires)
C’est donc le début d’un nouveau chapitre dans votre vie ?
Oui, mais je n’en ai pas fini avec l’ancien chapitre pour autant. Si David Fincher voulait faire un autre film avec moi, j’organiserai carrément une fête.
Vous voulez combiner les deux ?
Oui je vais combiner les deux.
Êtes-vous un joueur de Poker ?
Non, j’y ai joué quand j’étais plus jeune avec mes amis, avec des mises d’un ou cinq dollars, mais rien à ce niveau.
Vous avez donc dû tout apprendre ?
J’ai appris beaucoup par déduction. Mais le fait est que Molly elle-même n’était pas une joueuse de Poker, elle n’a jamais joué une partie de sa vie. Elle vous dirait qu’elle n’est pas une experte en paris, mais une experte en parieurs. J’ai donc appris avec elle notamment le jargon. Molly est une femme très brillante qui exprime bien et facilement ses idées. Parfois, quand elle parlait d’une partie en particulier ou d’un joueur en particulier, elle se mettait à parler dans le jargon du jeu sans même s’en rendre compte et je notais immédiatement pour chercher ce que cela veut dire plus tard, mais j’aimais entendre ça !
Pourquoi pensez-vous que les gens sont si impliqués dans ce jeu ? Est-ce l’argent, l’adrénaline ?
C’est l’adrénaline, premièrement comme elle le dit dans le film « ce n’est pas un jeu de chance, mais un jeu d’adresse » et c’est une sorte de guerre psychologique et il faut garder en son esprit beaucoup de numéros, des équations. Mais le parieur a cette montée de sérotonine et d’adrénaline dans son cerveau, dans le centre du plaisir. Par exemple, si on jouait au jeu de la roulette cette montée chimique n’aurait pas lieu quand la boule tombe sur votre numéro, mais pendant que la roue tourne. Avec les cartes, cela arrive quand le distributeur distribue la carte et pas quand on la retourne et que c’est un As. C’est pour cette montée d’adrénaline que les gens jouent et certains deviennent accros.
Molly’s Game (Le grand jeu)
USA – 2017 – Drama
Réalisateur: Aaron Sorkin
Acteur: Kevin Costner, Jessica Chastain, Idris Elba, Joe Kerry, Michael Cena
Ascot Elite
03.01.2018 au cinéma