Réalisé et écrit par Scott Cooper, « Hostiles » est un western examinant des sujets qui ne sont qu’effleurés dans la plupart des autres films du genre. Ce long-métrage est un voyage poignant qui pose beaucoup de questions sur les répercussions de la guerre et sa légitimité.
« Hostiles » raconte l’histoire, basée sur un manuscrit du scénariste Donald E. Stewart (« À la poursuite d’Octobre rouge »), du capitaine Joseph J. Blocker qui, en 1892, doit escorter le chef cheyenne Yellow Hawk et sa famille jusqu’à leurs terres natales. Yellow Hawk est un chef de guerre légendaire qui arrive au bout de sa vie et Blocker est considéré comme une légende de l’armée américaine qui n’est pas connu pour porter les Américains natifs dans son cœur.
Le film commence par cette phrase qu’on nous laisse le soin de lire : « The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted. ». Par cette citation plus qu’incisive de l’écrivain Anglais D. H. Lawrence, Scott Cooper nous propulse directement dans l’univers de son film : il est cru, brutal dans les émotions qu’il nous montre, mais jamais vulgaire. Les histoires personnelles des personnages sont immensément tristes (comment ne le seraient-elles pas dans ce climat post-guerres indiennes ?), mais Cooper a l’élégance de garder certaines brutalités hors de l’écran. « Hostiles » est plein de subtilité et d’audace dans ce qu’il ose aborder comme thèmes : le racisme évidemment, mais aussi à quel point la guerre brise les hommes, la mort, le deuil, le pardon… « Hostiles » est la démonstration bouleversante de tout ce que la haine fait au cœur des êtres humains.
Christian Bale (la trilogie Batman de Nolan, « American Psycho », « Le Prestige »), Rosamund Pike (« Orgueil et Préjugés », « Jack Reacher », « Gone Girl ») et Wes Studi (« Danse avec les loups », « Le Dernier des Mohicans ») délivrent tous les trois des performances impressionnantes et donnent énormément d’ampleur à une histoire qui dans le fond peut paraître un peu prévisible. La force d’« Hostiles » ne réside pas vraiment dans son histoire, mais dans l’évolution des personnages ; et ce qui est sûr, c’est que le jeu des acteurs (même des plus secondaires) donne une intense sensibilité au récit. Une des seules choses que l’on peut regretter à vrai dire, c’est que Yellow Hawk et sa famille auraient mérité plus de dialogues pour permettre une plus grande exploration de leurs propres histoires et permettre aux spectateurs de découvrir des personnages qui ne sont malheureusement que trop absents des films actuels. Cela étant dit, même si l’écriture des Amérindiens d’« Hostiles » pourrait être qualifiée de fainéante par certains aspects, Hollywood a fait beaucoup de chemin depuis les premiers westerns où ils n’étaient vus que comme des sauvages. Avec Max Richter à la musique et Masanobu Takayanagi à la photographie, « Hostiles » est magnifique à plus d’un niveau.
Les guerres indiennes s’étant terminées officiellement en 1890, « Hostiles » se situe juste après et montre avec finesse les tensions sociales qu’il existe en cette fin de siècle ; les Amérindiens viennent de perdre leurs terres et l’armée américaine n’a aucun scrupule à les détenir comme des prisonniers. En cette année 2018, le western de Scott Cooper a un goût presque trop réel : ce n’est parce qu’une guerre ne déchire plus officiellement un pays, qu’elle est pour autant finie pour tous ses participants. « Hostiles » est une très belle fable, triste, mais non dénuée d’espoir, qui est tout aussi criante de vérité à la fin du 19ème siècle qu’elle ne l’est à notre époque : la cruauté et la fermeture d’esprit portent préjudice à tous ceux qu’elles rencontrent et corrompent le cœur de ceux qui les arborent.
Hostiles
USA – 2017
Durée: 2h14 min
Western, Drame
Réalisateur: Scott Cooper
Avec: Rosamund Pike, Christian Bale, Ben Foster, Stephen Lang, Scott Sheperd, Paul Anderson, Jonathan Majors, Adam Beach
Ascot Elite Suisse
28.03.2018 au cinéma