Le whitewashing est une pratique courante dans les films depuis le début de l’histoire de cinéma. Voilà qu’on la nomme de plus en plus ; De quoi s’agit-il, et pourquoi tant de réalisateurs y ont-ils recours ? Penchons-nous sur la question, à l’heure où les débats sur la représentation au cinéma sont plus brûlants que jamais.
Une couleur par défaut : le blanc
Le whitewashing – on pourrait parler de « blanchiment » – au cinéma se caractérise par une tendance à réaliser le film de manière à y intégrer en priorité des acteurs ou des personnages blancs, y compris pour des scénarios qui ne le nécessitent pas explicitement.
Ce choix est si commun qu’on le croise dans la majorité des films. Il façonne le paysage cinématographique au point de le voir peuplé en majorité de personnages blancs. Ainsi, le spectateur s’habitue à voir une Cléopâtre blanche (Monica Bellucci, Claudette Colbert), et peut-être à se représenter l’impératrice d’Égypte comme ayant la peau pâle et les yeux clairs (Liz Taylor, Vivien Leigh). On peut se questionner sur l’impact de tels choix qui peuvent sembler à première vue anecdotique ; pourtant, favoriser les acteurs et personnages blancs revient à raconter des histoires en hiérarchisant les personnages selon leur couleur de peau. C’est que, indépendamment des questions de véracité historique, le cinéma contribue à une représentation du réel, au point de le distordre parfois : au cinéma, le héros est blanc, peu importe qu’il s’agisse de Cléopâtre, du mercenaire sauvant la Chine impériale (Matt Damon dans The Great Wall) ou du fils de la famille royale perse (Jake Gyllenhaal dans Prince of Persia). Chez Pixar, le réalisateur philippino-américain Bobby Rubio raconte comment, en préparant le court-métrage inspiré de l’histoire de son fils autiste, il dessine d’abord, par réflexe, un enfant blanc comme personnage principal. Avant de finalement retoucher son dessin et d’apporter à son petit héros les cheveux noirs et la peau mate de son fils. Cela a donné L’Envol, sorti en 2019.
Un point de vue faussement neutre
Sur le grand écran d’Hollywood, le blanc est la norme. C’est la couleur des héros et des personnages principaux ; c’est la couleur de l’habitude qui donne une fausse impression de neutralité. En réalité, la prédominance de personnages à la peau blanche relève d’une série de choix volontaires et conscients, qui influence et façonne les habitudes du spectateur qui y est confronté. Le personnage à peau blanche est familier ; il peuple majoritairement le paysage du cinéma hollywoodien depuis des décennies. Par petites touches, ce paysage commence cependant à se doter de nouvelles apparitions, qu’on espère toujours plus nombreuses à l’avenir – le modèle unique de narration semble avoir fait son temps.
Vers un cinéma plus diversifié ?
La conscience de cette uniformité qui n’est pas innocente et des mécanismes racismes qui la maintiennent en place contribuent à faire naître progressivement d’autres histoires – racontées autrement que d’un point de vue par défaut qui serait exclusivement blanc. Ainsi, en 2018, le cinéma hollywoodien s’est par exemple enrichi par la sortie de Crazy Rich Asians et de l’acclamé Black Panther. Il s’agit pour ce dernier du premier film à gros budget d’Hollywood au casting d’acteurs noirs. On y trouve les thèmes chers aux super-héros – quête de l’identité, recherche de justice, transmission du pouvoir. Portés par la population noire du Wakanda, voilà qu’ils se doublent d’un impact nouveau. Le succès est au rendez-vous ; après tout, le cinéma a toujours quelque chose à dire sur la réalité.