Samuele a 12 ans et vit sur une île au milieu de la mer. Il va à l’école, adore tirer et chasser avec sa fronde. Il aime les jeux terrestres, même si tout autour de lui parle de la mer et des hommes, des femmes, des enfants qui tentent de la traverser pour rejoindre son île. Car il n’est pas sur une île comme les autres. Cette île s’appelle Lampedusa et c’est une frontière hautement symbolique de l’Europe, traversée ces 20 dernières années par des milliers de migrants en quête de liberté.
Le temps de préparation de vos films est variable, et peut prendre jusqu’à quatre ans. Combien de temps avez-vous passé à Lampedusa ?
Je suis resté sur l’île une année et demie, pendant laquelle j’ai rencontré les gens qui sont devenus petit à petit les personnages du film. Il s’agit d’un film documentaire, rien n’a été écrit à l’avance. Il fallait donc, comme souvent, prendre le temps nécessaire.
Deux réalités, celle que vit la population de Lampedusa et celle des migrants ne se rencontrent qu’indirectement dans le film…
C’était le cas sur place, et j’ai moi-même été surpris de cet état de fait en arrivant. Depuis peu, une loi a établi que la frontière ne serait plus sur l’île, comme il y a quelques années, mais en mer. En clair dès que les migrants arrivent sur l’île, ils ne peuvent en aucun cas interagir avec la population, car ils sont secourus à plusieurs kilomètres de l’île avant d’être emmenés dans un centre d’accueil. Lampedusa est devenue une métaphore de ce qui est en train de se passer en Europe, où deux univers se touchent mais n’arrivent pas à communiquer.
Sur l’île, les journalistes ne jouissent pas d’une bonne réputation et sont souvent perçus comme des annonceurs de mauvaises nouvelles…
Oui, la population a de la peine à supporter cette déferlante médiatique… et à raison ! La plupart du temps, les journalistes se rendent à Lampedusa pour un jour ou deux, se contentent d’un rapport macabre, et repartent. Pour ma part, j’avais envie d’aller davantage en profondeur, de faire un pas de côté par rapport à ce qu’on voit tous les jours dans les médias.
Comment la population a-t-elle réagi en vous voyant arriver avec une caméra ?
Je n’ai sorti ma caméra que plus tard, après plusieurs mois. Notre rapport a évolué, et nous nous sommes apprivoisés. Samuele, par exemple, a grandi sous mes yeux. Le film reflète son quotidien, mais aussi sa vie intérieure à laquelle il m’a donné accès au fil du temps.
Vous tournez en hiver. Pourquoi ce choix ?
En été, l’île se transforme totalement ! L’hiver m’a surtout permis d’être plus proche des locaux, sans avoir à gérer les masses de touristes qui se rendent sur l’île de Lampedusa. A cette période il y a moins de touristes, mais aussi moins d’arrivées de migrants, ce qui crée cette atmosphère d’attente… avant la tragédie.
Filmographie
1993 : Boatman
2001 : Afterwords
2008 : Below Sea Level
2010 : El Sicario Room 164
2013 : Sacro GRA
2016 : Fuocoammare
Fuocoammare
De Gianfranco Rosi
Avec Samuele Pucillo, Mattias Cucina, Samuele Caruana
Xenix Film
Sortie le 28/09