Quand Bollywood s’attaque avec sa finesse légendaire au polar sécuritaire, c’est le bon goût qui se retrouve derrière les barreaux !
POLICE PARTOUT, JUSTICE NULLE PART
Le film d’auto-défense, c’est tout un art. Les Américains étant bien sûr les maîtres incontestés du genre avec « Un Justicier dans la ville » comme référence impérissable et une de ses suites, « Le Justicier de New York », comme perle nanarde absolue. Mais quand Bollywood s’empare du genre, quand la luxuriance outrée du cinéma indien se frotte au thème a priori austère et sec de l’insécurité urbaine, quel peut être le résultat ? C’est « Garv », sans doute le film le plus robuste qu’il nous ait été donné de voir depuis des lustres en matière de sécuritaire testostéroné, agrémenté de l’indispensable exotisme musical indien. Ici, le justicier ne se contente pas de tuer les malfaisants, il chante et danse entre deux gunfights !
Le héros sévèrement burné, c’est l’inspecteur de police Arjun Ranavat, joué par la star indienne Salman Khan, tout en muscles et en regards lourds qui en disent long. Arjun est un Indien modèle, respectueux de sa mère, veillant sur sa sœur, attaché à sa patrie. Le film s’ouvre cependant sur son procès, qui le voit accusé d’avoir commis un massacre. Que s’est-il donc passé ? C’est ce que nous allons apprendre par une narration tout en flash-backs.
Après avoir occis un fétide gangster qui avait menacé sa sœur, Arjun se lance dans une croisade non pas solitaire comme un vulgaire Charles Bronson, mais en convertissant toute sa brigade aux joies de la justice expéditive. En effet, l’Inde compte encore, contrairement aux Etats-Unis, suffisamment de citoyens sains et couillus pour agir de concert contre le crime avec les vrais champions de la vraie justice. Plus de droits civiques pour emmerder les honnêtes représentants de l’ordre : désormais, c’est sans sommation que les policiers tireront pour transformer en passoire les criminels malpropres qui infestent la région de Mumbaï (ex Bombay). Evidemment, ces tapettes de médias gauchistes harcèlent nos héros, mais ils ont vite fait de se faire remettre à leur place.
Quant aux forces du mal, elles n’ont pas dit leur dernier mot, et c’est là qu’apparaît LE PARRAIN, l’ignoble Zafar Supari, interprété par Mukesh Rishi avec une outrance purement délectable : barbu, le visage perpétuellement crispé en un rictus de haine, Supari n’est pas explicitement désigné comme pakistanais, mais entre sa barbe, la djellaba qu’il porte dans une scène, et le fait qu’il dirige son organisation « depuis un pays étranger »…
POIDS DES MOTS, CHOC DE LA PHOTO
A ce discours plus musclé qu’une circulaire du Ministère de l’Intérieur, et totalement premier degré, « Garv » ajoute un style de mise en scène typiquement indien. Couleurs si vives qu’elles piquent les yeux, bruitages intempestifs, mouvements de caméra extrémistes, scènes d’action filmées dans un ralenti assorti de grossiers effets de rémanence : tout est fait pour en mettre plein la vue au spectateur en même temps qu’on lui enfonce le cerveau à grands coups de marteau-piqueur idéologique. L’outrance du discours rejaillit sur tous les aspects de l’œuvre. Le film est une véritable enfilade de scènes anthologiques, magnifiées par le jeu d’une troupe d’acteurs ne craignant jamais d’en rajouter des kilos. On citera notamment la scène où le coéquipier musulman d’Arjun, accusé par le commissaire pourri d’être un espion à la solde du Pakistan, arrache en hurlant sa chemise pour montrer, outre un torse velu et viril, des cicatrices de balles prouvant sa valeur au combat et son attachement à sa patrie. Ou encore lorsqu’Arjun, jusque-là impassible à son procès, entend le procureur mettre en doute la vertu de sa sœur et arrache à mains nues la barre du prétoire avant de la jeter avec force sur le magistrat indélicat. Un vrai bonheur pour ceux qui trouvent les scènes de procès trop statiques !
Finissons en signalant que Salman Khan aurait été soupçonné de liens avec la mafia et qu’il aurait entrepris le tournage de ce film outrageusement « légaliste » pour se défaire de son image sulfureuse. Je n’ose y croire.
[Nikita Malliarakis]
Retrouvez l’intégralité de cette critique – et des centaines d’autres – sur nanarland.com, le site des mauvais films sympathiques.