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dimanche, décembre 22, 2024
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Furyo de Nagisa Oshima

Furyo de Nagisa Oshima
Furyo de Nagisa Oshima –

« Furyo » n’est pas un film de guerre comme les autres. « Furyo » est un film qui vise plus vers l’intérieur, là d’où viennent les blessures et l’espoir.


Celui qui dérangeait
Il y a plus de deux ans, Nagisa Oshima mourrait d’une pneumonie. Cinéaste controversé, il remettait sans cesse en cause la société dans laquelle il vivait et faisait de même avec les films qu’il réalisait, se réinventant à chacun d’eux. En bref, il dérangeait. Aujourd’hui, la communauté cinéphile lui rend enfin hommage avec une actualité foisonnante : une rétrospective intégrale dans plusieurs cinémathèques, un nouveau coffret DVD (incluant trois inédits) et surtout la restauration et ressortie en salles d’un de ses films les plus cultes et déstabilisants : « Merry Christmas, Mr. Lawrence », plus connu dans nos contrées sous le titre « Furyo ».

Furyo de Nagisa Oshima
Furyo de Nagisa Oshima

Quand l’amour remplace la mort
Innombrables sont les films qui traitent de l’absurdité de la guerre. Mais innombrables sont aussi ceux qui s’arrêtent à l’acte meurtrier et à la destruction identitaire. « Furyo » propose lui quelque chose de différent, quelque chose de plus profond et de plus inconscient.

C’est ainsi à travers le parcours de l’officier néo-zélandais Celliers, fait prisonnier dans un camp japonais, que nous découvrons l’étrange relation naissante entre lui et Yonoi, le strict chef de camp nippon. Perdant pied face à Celliers, ce dernier ne sait soudainement plus comment gérer son désir et son autorité, alors que Celliers se bat pour sa dignité, bouleversant ainsi l’ordre du camp et les principes de Yonoi. Entre amour refoulé et rapports de force, les deux hommes essaient chacun de vivre « l’un envers l’autre » : Yonoi s’enfonçant dans l’abus de pouvoir, tandis que Celliers provoque sans cesse l’autorité.

On assiste alors à la confrontation de deux caractères bien connus : l’âme perdue réfugiée dans la violence (Yonoi) et l’être vengeur à l’humanité affichée (Celliers). Mais ce qui va redéfinir ces personnages et surtout enrayer la machine de la haine, ce sont l’émotion et l’amour, deux sentiments venant déstabiliser la violence de la situation. Elles vont ainsi forcer le chemin de la réconciliation intérieure (la fin de la culpabilité pour Celliers, la validation affective et le pardon pour Yonoi), au cours d’une scène magistrale où l’amour remplace la mort et où les personnages regagnent l’espace d’un instant leur humanité première, celle que la guerre leur avait volée, et celle que la tragédie leur reprendra.

Furyo de Nagisa Oshima
Furyo de Nagisa Oshima

La passion selon Oshima
« Furyo » cristallise la thématique maîtresse de l’œuvre d’Oshima : la passion qui révèle la vraie nature humaine. Déjà magnifiquement traitée dans son autre chef-d’œuvre, « L’Empire des Sens », cette passion trouve ici une application plus vaste et plus universelle, grâce au contexte de la guerre et au choc des cultures occidentale et orientale.

Mais même s’il opte pour un réalisme plus cru, Oshima se sert de l’onirisme et de l’absurde comme jamais auparavant. Parfaitement dosées, ces séquences subliment le propos du film, en l’inscrivant dans une certaine éternité. Ce sont d’ailleurs ces séquences qui marquent le plus les esprits, grâce à leur puissance visuelle et rituelle : Celliers qui mime l’acte de se raser, de boire, de fumer, avant d’être emprisonné ; Yonoi qui vient couper une mèche de cheveux de Celliers, enterré jusqu’au cou ; Celliers qui dévore des fleurs de cerisiers en signe de deuil, etc.

Furyo de Nagisa Oshima
Furyo de Nagisa Oshima

Du tragique de la pop
Une autre grande réussite de « Furyo » est l’utilisation à contre-emploi de figures de la culture-pop internationale : David Bowie, superstar mondiale ; Takeshi Kitano, comique et animateur célèbre au Japon ; Ryuichi Sakamato, vraie révélation du film, à l’époque pop-star japonaise. Tous jouent ici sans filet, et certains même pour la première fois.

Le choix d’Oshima de travailler avec ce casting offre ainsi au public une nouvelle forme d’empathie, celle de découvrir des visages déjà connus et familiers dans un registre tragique, à l’opposé de leur image habituelle. Déstabiliser le spectateur en jouant d’affects hors-film donne alors une puissance inédite au long-métrage, enterrant encore un peu plus le rationnel pour ré-exacerber l’émotionnel.

« Furyo », c’est bien plus que la guerre. C’est la passion, c’est l’humanisme. C’est l’instant rare qui donne un sens à la vie, avant qu’elle ne replonge dans la fatalité. « Furyo », c’est un film dérangeant, poignant et émouvant. C’est ce que Nagisa Oshima laisse derrière lui, un dernier coup-de-poing, un dernier cri de rage, baignant dans une flaque de larmes.

Furyo
De Nagisa Oshima
Avec David Bowie, Ryuichi Sakamoto

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