Alors que les regards du grand public sont fixés sur la Piazza Grande, les différentes compétitions ont fait leur entrée de manière un peu plus discrète. L’équipe de Daily Movies s’est intéressée à la catégorie Cineasti del Presente, qui met en valeurs les premières ou deuxièmes oeuvres de jeunes réalisateurs, et la fameuse Compétition Internationale.
Donald Cried
Première séance à Locarno pour l’équipe Daily Movies avec Donald Cried de Kris Avedisian. Peter Latang est un jeune homme soigné qui mène une vie tranquille dans les banlieues new-yorkaises. Jusqu’à ce que la mort de sa grand-mère bouleverse son quotidien. Forcé de retourner dans son village d’origine du New-Jersey, la perte de son portefeuille l’obligera à faire appel à une connaissance d’un passé qu’il a préféré oublier depuis quinze ans. Un homme prénommé Donald, un ex-meilleur «ami» qui n’a pas changé d’un poil. Son look négligé, ses jeux-vidéos rétros, ses posters de charme, sa musique metal, le cataloguent comme un adolescent attardé. Le “simplet” amènera notre héros à reconsidérer la personne qu’il est aujourd’hui. Il est vrai que Peter n’a pas toujours été un gendre idéal. Bien au contraire, puisque Donald faisait souvent les frais des mauvais tours de celui qu’il présente encore naïvement comme son meilleur ami.
Avec deux profils aussi convenus sur le papier (le banquier et le ‘’nerd’’), le réalisateur étonne par son traitement direct et comique d’un sujet touchant. En effet, nombreuses sont les personnes qui délaissent tout afin de reconstruire leur vie de A à Z. Parfois par simple envie de changement mais le plus souvent en tentant d’oublier un passé qui leur fait honte. Le contraste entre les deux personnages permet d’amener de nombreuses situations comiques à l’impact particulier. Souvent burlesques, trouvant un équilibre qui évite les lourdeurs. Le plus souvent au travers de petites piques lancées au jeune banquier afin de lui rappeler son passé trouble.
La relation entre eux est mise en valeur par une réalisation simple et sans fioriture qui laisse place à l’instant présent. Nous passons une heure et demie à les suivre dans leurs retrouvailles avec le même sourire béat que l’éternel adolescent du film. Kris Avedisian nous tient en haleine, jouant avec le feu par de possibles revirements de situation.
[Pierre Gavillet]
Donald Cried
Festival del Film Locarno : Cineasti del Presente
De Kris Avedisian
Avec Kris Avedisian, Jesse Wakeman, Kyle Espeleta, Louisa Krause
Sortie romande inconnue
Note : 3,5/5
Ostatnia Rodzina (The Last Family)
Le lendemain, nous nous précipitons vers Ostatnia Rodzina (Ou The Last Family à l’international) du jeune polonais Jan P. Matuszyński. Présenté en Compétition Internationale, le film semble attendu de la critique. Il faut dire qu’il a de quoi. On nous distribue le dossier de presse. En couverture, un trio familial à chaque extrémité d’un canapé. Au dessus d’eux plane un être étrange, squelettique, morbide, dont la tête est recouverte d’un bandeau ensanglanté. Une peinture de l’artiste illuminé dont le film conte l’histoire familiale scabreuse. Il s’agirait en réalité d’un biopic consacré au peintre Zdistaw Beksinski, présenté comme arachnophobe, obsédé par les fresques au sexe hardcore, et terriblement affecté par la frénésie d’un fils mentalement instable. Quel sujet!
Le premier plan nous plonge immédiatement dans les troubles et les regrets du père. L’homme se confie. Il rêve d’une femme qu’il pourrait programmer à sa guise, d’un être fantasmé qu’il changerait comme bon lui semble. À l’inverse d’une famille tourmentée qu’il ne peut choisir, d’un fils qu’il peine à accepter. Explication et développement à travers les furies impulsives et incontrôlables de ce dernier au fil des années. Incompréhensible pour les parents, comme pour le spectateur. Enchainement par des dialogues creux. On commence à se demander ce que Matuszynski veut montrer et développer. En vain. Le film s’engouffre dans une suite de conversations inintéressantes et de scènes qui peinent à trouver leur dénominateur commun, à raconter une histoire cohérente. Malgré un début esthétique au ton grisâtre et à l’éclairage jauni, la réalisation se perd ensuite dans son parti pris à raconter l’implosion familiale à travers la caméra amateur de son personnage principal. L’hystérie des acteurs et le gouffre laissé entre les personnages et le spectateur en deviennent presque gênants. On capitule.
[Alexandre Caporal]
Ostatnia Rodzina
Festival del Film Locarno : Concorso Internazionale
De Jan P. Matuszynski
Avec Andrej Seweryn, Dawid Ogrodnik, Aleksandra Konieczna
Sortie romande inconnue
Note : 1,5/5
Kaze Ni Nureta Onna (Wet Woman In The Wind)
Suite de notre exploration de la catégorie Concorso Internazonale. Attaquons nous cette fois-ci à un style singulier, le Pinku Eiga, célèbre forme de cinéma érotique japonais. Très rependus dans les années 70 ces films étaient souvent produits avec des moyens plutôt limités. L’occasion pour nous de s’initier à un cinéma que nous n’aurions pas forcément abordé hors du festival.
Kaze Ni Nureta Onna (Wet Woman In The Wind) nous conte l’histoire de Kosuke, ancien comédien exilé en ermite dans une forêt suite à de nombreuses histoires compliquées avec la gent féminine. Il fera la rencontre de Shiori, jolie serveuse nymphomane insistante, qui l’emmènera dans un tourbillon de désir.
Chaque scène du film est un prétexte à une délirante partie de jambe en l’air amenée de la manière la plus absurde qui soit. Difficile de ne pas tomber sous le charme de la réalisation d’Akihiko Shiota. Chaque plan capte l’envie des différents protagonistes et parvient à nous proposer une véritable réflexion sur notre sexualité. Le désir est puissant. Incontrôlable. Il fera chavirer homme comme femme, se laissant prendre par leur passion déjantée. Certains en jouent, d’autres en souffrent. Le film démontre sa qualité par des situations comiques contagieuses, malgré un côté quelque peu racoleur.
[Pierre Gavillet]
Kaze Ni Nureta Onna
Festival del Film Locarno : Concorso Internazionale
De Shiota Akihiko
Avec Mamiya Yuki, Nagaoka Tasuku, Tei Ryushin, Suzuki Michiko
Sortie romande inconnue
Note : 3,5/5