Faute d'amour : Zviaguintsev, le coeur en berne

Après avoir impressionné avec « Léviathan », le réalisateur russe Andreï Zviaguintsev signe « Faute d’amour », récit des tensions entre parents ravivées suite à la disparition de leur enfant de 12 ans. Soutenu par des acteurs formidables.

L’hiver moscovite, blanc et gris, sert de cadre à cette histoire où l’amour, comme le soleil, fait défaut. Aliocha rentre de l’école en tenant à la main un jouet de fortune trouvé dans les bois. Chez lui, ses parents en instance de divorce ont décidé de vendre leur appartement. Que faire de l’enfant ? Nul ne désire vraiment prendre ce garçon de 12 ans à sa charge. Qu’importe, il sera placé dans un internat. Aliocha, qui en cachette surprend la dispute de ses parents, est en pleurs. Le lendemain, il fugue.

Autour de la recherche de l’enfant, vont se cristalliser les tensions déjà perceptibles au début du récit. La mère a en horreur son mari et entretient des rapports compliqués avec sa propre mère. Son nouvel amant, à qui tout semble réussir sur le plan professionnel, pâtit de l’absence de sa fille partie étudier au Portugal. Le père connaît des difficultés dans son travail et sa nouvelle compagne, enceinte, lui reproche de ne pas l’aimer assez. Tous souffrent à leur manière d’un manque de considération. Dans cette banlieue sans charme, la disparition d’Aliocha va accentuer cet isolement des personnages. Père et mère participent aux recherches, menées par un groupe de bénévole de concert avec la police, sans même s’adresser la parole. La détestation est permanente, l’absence d’avancée pesante, la tension palpable.

Pourtant, rien n’explose. La caméra d’Andreï Zviaguintsev rend compte de ces désunions avec grâce. En plein air, elle se meut avec fluidité faisant de ce décor morose une photographie splendide. En intérieur, la caméra révèle l’enfermement des personnages dans un univers aux couleurs froides où la lumière blafarde est le reflet de leurs états d’âme. « Faute d’amour » consacre le brio de ses interprètes, avec une mention spéciale pour la mère, et celui, aussi, de son réalisateur.