À la télévision comme au cinéma, à l’écriture des scénarios comme à la réalisation, Olivier Marchal ne cesse de creuser le sillon du polar avec succès, depuis la sortie en salle de « 36 Quai des Orfèvres » en 2004 (huit nominations aux César).
Après avoir créé la série « Braquo » pour la chaîne Canal + en 2009, la série « Flics » en 2011 et tourné la même année « Les Lyonnais » (1,2 million d’entrées), il a reçu en 2015 le prix du meilleur téléfilm au festival de la Rochelle pour « Borderline ». Il poursuit, parallèlement, une carrière d’acteur sur scène (« Pluie d’Enfer », 2011 – 2012) et au cinéma où son nom apparaît pour la première fois au générique de « Ne réveillez pas un flic qui dort », en 1988. Ces dernières années, on l’a vu à l’affiche de comédies populaires telles que « Le fils à Jo » (2011), « Fast Life » (2014) ou « Belle comme la femme d’un autre ».
Comment est née la série ?
D’un mouvement de rage et d’une énorme tristesse qui, jetés sur le papier, ont donné l’odyssée ultra-violente d’une bande de flics aussi barges que l’univers dans lequel ils évoluent. Entre le début de l’écriture, en 2012, et le tournage, de janvier à juillet 2015, le scénario a connu toutes sortes d’aléas, mais l’arrière-plan de violence est resté. Et c’est ce que je voulais. C’est devenu l’histoire d’un groupe de flics idéalistes – aux méthodes discutables, j’en conviens – qui tentent de sur vivre à la barbarie humaine avec l’espoir, dans leurs tripes, de lendemains meilleurs. Dans la première version du scénario, l’action se déroulait dans un futur assez lointain ; j’ai réduit l’échelle temporelle et situé l’histoire en 2024.
Vous vous aventurez sur le terrain du polar d’anticipation. C’est une première, et c’est plutôt inattendu…
Je me suis nourri de mes films favoris, comme LES FILS DE L’HOMME, notamment pour sa lumière, BLADE RUNNER, et surtout MAD MAX. J’avais 20 ans quand il est sorti, en 1980 ; un choc ! Un film ultra anxiogène et en même temps tellement visionnaire. Il exprimait déjà cette espèce d’humanité chez les personnages, cette désespérance de fin du monde et cette sauvagerie qui font bruyamment écho aux événements qu’on a vécus en 2015. Sans comparer SECTION ZÉRO à ce chef-d’œuvre, la série porte aussi tout cela en elle, alors qu’elle est née sur le papier bien avant les attentats de Charlie et du Bataclan…
Que vos héros soient des flics se justifie donc plus que jamais ?
Oui, parce qu’on est en état de guerre et qu’ils sont aux avant-postes. On les a applaudis après les attentats du 7 janvier 2015, et c’était mérité, car ils ont été héroïques. Mais ils le sont tout le temps, et depuis longtemps. C’est une série à leur honneur, encore une fois.
Qu’est-ce qu’un héros, selon vous ?
Quelqu’un qui porte les valeurs de la liberté, du respect d’autrui. Un mec – ou une femme – juste, droit, courageux, qui fait les choses pour les autres. C’est ainsi que j’ai imaginé le personnage de Sirius. C’est de lui que je suis parti pour construire cette histoire.
Pourquoi avoir choisi le suédois Ola Rapace pour l’incarner ?
Dans son pays, c’est une star. En France, son visage n’est familier qu’à ceux qui ont vu la série WALLANDER ou l’avant-dernier James Bond, SKYFALL. Ma directrice de casting, Sylvie Brocheré, me tannait depuis le début pour que je le rencontre. On s’est plu au premier regard. Il a un côté « Bad Guy » version viking, beau gosse, mais c’est sur tout un vrai gentil. Un mec comme je les aime, qui ne vient pas d’un milieu facile et qui a vécu. C’est aussi un immense sportif. Il fait de la boxe, du free fight, de la musculation, deux à trois heures par jour ! Cette dimension physique était primordiale pour le rôle.
Pour tous vos acteurs et actrices, il y a manifestement eu une grosse préparation physique…
Cette série raconte un monde où les gens s’entretuent pour n’importe quoi, où les flics se lèvent le matin sans savoir s’ils seront encore vivants le soir. Se forger une carapace de muscles afin d’être prêts à se battre à tout moment est une donnée vitale pour eux. Il fallait que mes acteurs soient crédibles, donc pas d’échappatoire possible : régime et travail en salle pour tout le monde ! Malgré toutes les précautions prises, il y a eu pas mal de blessures.
Vous êtes fidèle à certains acteurs dont Catherine Marchal, Francis Renaud, Tchéky Karyo… ça vous rassure de les avoir avec vous ?
Quand il faut tourner vite dans des conditions pas toujours faciles, comme cela a été le cas, j’ai besoin d’avoir ma garde rapprochée. Qu’il s’agisse de Catherine, Francis, Tchéky, que je retrouvais avec plaisir après LES LYONNAIS, mais aussi d’Igor Skreblin ou de Marc Barbé, je sais que je peux tout leur demander, qu’ils le feront et qu’ils sauront partager leur joie de jouer et de se donner à cent pour cent.
On découvre aussi un visage qu’on n’attendait pas dans votre univers, celui de Pascal Greggory.
Je me disais qu’un acteur intello, passé chez Chéreau et au théâtre des Amandiers, ne cadrerait pas a priori avec mon univers. Mais là encore ma directrice de casting m’a convaincu de le rencontrer et, comme avec Ola, je suis tombé sous le charme. Pascal est un acteur « à la Michael Caine » : même élégance du jeu, même précision. Il joue un méchant avec une gourmandise réjouissante, totalement décomplexée. Il donne la réplique à Hilde De Baerdemaeker, une grande actrice belge que je voulais absolument. Et puis il y a aussi Laurent Malet qui fait son retour : cheveux rasés, méconnaissable, il compose un flic barré parfait.
Les personnages féminins sont, comme souvent dans vos films, à la fois forts et victimes. C’est votre vision des femmes ?
Dans la série, les hommes sont à mon avis autant maltraités que les femmes. Dans ce domaine, il y a une certaine égalité. Mais les personnages de femmes ont quelque chose en plus. J’aime que, contrairement aux hommes, elles ne soient pas uniquement dans la violence, l’animalité, voire la bêtise – pour ne pas dire autre chose ! Elles élèvent un peu le niveau. Et dans cette histoire ce sont elles qui s’en sor tent le mieux. Peut-être parce que j’ai un immense respect et une profonde admiration pour les femmes. Elles me touchent. Comme je le dis souvent, les hommes réussissent souvent grâce aux femmes qui les accompagnent…
Les décors sont plutôt saisissants. vous aviez des images précises en tête au moment de la création du scénario ?
Je voulais une ambiance à la MAD MAX et on l’a trouvée en Bulgarie. À trois quarts d’heure de Sofia, il existe un ancien complexe industriel en ruine, immense, resté dans son jus, qui nous a fourni l’atmosphère post apocalyptique que je recherchais dans les scènes se déroulant dans le camp des bikers ou dans celui des enfants. Mais la majorité des plans, extérieurs comme intérieurs, ont été tournés dans les studios Boyana, à Sofia. Avec les tempêtes et les températures souvent bien en dessous de zéro qu’on a dû affronter, on n’aurait jamais pu arriver au terme des quatre-vingt-dix-huit jours de tournage si on ne s’y était pas installés.
Une deuxième saison est déjà en développement ; quelle couleur aura-t-elle ?
Noire, évidemment ! J’ai fait en sorte que rien n’aille plus pour Sirius à la fin de la première saison pour pouvoir enchaîner sur une suite qui soit encore plus radicale. Le thème sera celui du fugitif qui n’a plus rien à perdre et que tout le monde veut abattre.
[Interview tiré du communiqué de presse]