Un peu avant la sortie de la « Domination des Dinosaures », puis du plus timbré des « Gardiens » cet été, avec notre partenaire « Baka News Network », nous eûmes la joie de rencontrer David Krüger qui nous a parlé de ses souvenirs en doublage et de sa passion pour la photographie.
Pouvez-vous nous en dire plus quant à votre métier de comédien en doublage ?
C’est principalement ce que je fais et parfois, je tourne ou joue au théâtre. La photo est une passion depuis mes 14-15 ans. Si je m’étais écouté, c’est ce que j’aurais fait de ma vie car c’était mon ambition et je commençais à jouer avec des appareils, à m’intéresser à l’image. Après mon bac littéraire, j’ambitionnais de parcourir le monde avec mon bagage linguistique et de photographier les gens. D’ailleurs, je m’étais récemment demandé pourquoi n’ai-je pas suivi mon envie ? Et je me suis rendu compte que j’avais choisi le métier de comédien, un peu pour de mauvaises raisons… Je me suis engouffré dans ce métier après mes cours d’art dramatique. Comme j’étais très, très féru, et le suis toujours, de comédies musicales grâce à mon beau-père, j’ai aussi pris des cours de danse, de claquettes, de jazz, etc. Car en rentrant dans ce métier, j’aspirais à me rapprocher le plus possible d’artistes magnifiques, complets, que je voyais dans des réalisations comme « West Side Story », « Beau Fixe sur New York » et d’autres absolument merveilleuses qui ont baigné mon adolescence.
D’où viennent vos 2 passions au fait ?
La photographie, je ne sais pas, j’ai toujours aimé les images. Et comme dit, mon beau-père m’a vite montré des comédies musicales américaines magnifiques. L’intérêt de la danse est donc venu de là. Et aussi du fait que, quand j’ai choisi d’être comédien, j’avais envie d’être le plus complet possible. Donc, j’ai fait de la danse pour « ressembler à ces vedettes extraordinaires » que je voyais dans les comédies musicales. Et dans l’idée de participer à des spectacles qui mêleraient le chant, la danse, la comédie, etc. Pour la photo, on était en 1981-82 et… ça m’est venu comme ça. Dans ma petite tête d’adolescent « couillon », je me suis peut-être dit que ça m’intéressait, un peu inconsciemment en fait.
Pour en revenir au doublage, vous suivez depuis plusieurs années Chris Pratt, en tête d’affiche du récent « Jurassic World ». Depuis que vous connaissez les dinosaures, quel est votre préféré et pourquoi ?
Je ne me souviens pas avoir eu une passion pour les dinosaures enfant, mais on n’en parlait peu à l’époque. Je crois… Les diplodocus et les brachiosaures. Ouais, enfin cette espèce de Tour Eiffel avec un long cou, une grande queue, des pattes et marchant très doucement. J’aime bien leur pesanteur et marche lente. Ils sont totalement à l’opposé de ce que j’ai été très longtemps. Soit, quelqu’un d’un peu tonique et nerveux. A présent, je me rapproche plus de la quiétude.
Un de vos collègues, Constantin Pappas, ne comprend pas le principe du redoublage notamment par rapport aux phrasés de l’époque qui se perdent.
Qu’en pensez-vous ?
Je lui donne entièrement raison, on ne refait pas un chef d’œuvre, ni un doublage. Enfin, je dis ça de manière un peu péremptoire, mais c’est mon avis. D’ailleurs, ça « m’emmerderait » qu’on redouble par exemple, le 1er « West Side Story ». Selon l’époque où le film a été fait, le doublage était la façon de jouer la comédie et une manifestation du jeu de l’époque, de l’ambiance et du climat social. Ça se ressent dans la voix, dans l’adaptation et les textes. Certains textes ne pourraient peut-être plus être écrits, ou moins facilement à présent. On ne parle et on n’emploie plus le même vocabulaire dans les films actuels. Après, on peut toujours se demander, comment faire pour par exemple « E. T. » ou d’autres films ? On se débrouille en trouvant éventuellement des voix qui raccordent. On ne refait pas ce qui a été bien fait comme la Joconde ou « West Side Story » et ses doublages. Je crois que Constantin a raison. C’est très gênant en fait… Je repense à un dessin animé, je ne dirai pas lequel, que j’ai réentendu. J’écoutais le redoublage et pardon, mais… même si y a pleins de copains doués dedans qui ont fait un excellent travail, honnêtement quel intérêt ? Tout ça parce que ça ressort en 5.1. Je m’en fous. Car le son aussi, marque une époque et historiquement, sociologiquement, c’est hyper important. Même dans certains doublages, il y a quelque chose, un supplément d’âme. Je m’avancerais presque à dire qu’il y a une part d’irrespect pour le travail merveilleux fait par nos pères, par nos aïeux. Et c’est dommage de l’abîmer ainsi.
Vous prêtez votre voix à l’inoubliable « Major John-117 » dans le jeu vidéo
« Halo » depuis plus de 20 ans. Récemment aussi dans la série avec Pablo Schreiber. Quels souvenirs en gardez-vous ?
J’étais heureux qu’on m’ait appelé pour me confirmer que je le doublerai. Je l’attendais, même si j’étais un peu inquiet car je ne savais pas qui d’autre pouvait le faire. Parce que Pablo (Schreiber) a été doublé pleins de fois par des collègues et peut-être que les studios ne voulaient pas reprendre sa voix habituelle. En plus, j’ai une relation étrange avec ce personnage… Avant chaque sortie d’un jeu, je suis impatient de le retrouver et il me manque. C’est vraiment, je crois, le seul avec lequel j’ai… ce sentiment. Donc, quand on m’a dit que j’allais rempiler pour la série, j’ai fait : « Ooohhhhh ». J’étais calme au niveau de ma voix, mais en fait, je tremblais et une larme coulait. Je me suis dit : « Ouais ! Ah mon Dieu, oui ! ». Sur le plateau, j’ai vu les premières images et, pareil, j’étais remué. Et la 1ère phrase que j’ai enregistrée, puis réécoutée juste après… était un bouleversement. Encore une fois avec « John », j’entretiens une espèce « d’intimité », une profondeur.
Pour terminer, arriveriez-vous à redire les dialogues d’ « Owen » face aux 3 vélociraptors ?
C’est difficile… La seule phrase dont je me souviens, c’est quand il s’adresse à « Blue » :
(Intonations Chris Pratt)
« Blue, on se calme, doucement, non. Ne bouge pas. »
La voix de Pratt est aussi un travail intéressant. Car même si mon timbre de voix reste le même fondamentalement, c’est aussi ce que j’aime dans ce métier, on peut travailler en accord avec l’ingénieur-son et adapter sa voix. Chris est plus léger, avec peu de nasal et un peu surexcité : (Nouvelle intonation Chris Pratt)
« Attention, on se calme. »
Alors que par exemple, Dwayne Johnson est plus dans un grave, une profondeur. « John », c’est très proche du micro. L’ingénieur-son vient me chercher, comme on dit. Et je me permets de parler ainsi : (Exemple doublage « Halo »)
« Cortana. Il me faut une arme ».
Et tout à coup, c’est un autre travail et j’adore ça.