« Black » est un film coup de poing. A l’image de « Roméo et Juliette » ou « West Side Story », il raconte l’histoire d’un amour impossible, une romance crue, au rythme des battements sourds de la ville, filmée dans un style visuel et sonore poignant.
J’ai rencontré la jeune actrice belge, d’origine angolaise, Martha Canga Antonio dans un mauvais café d’une grande chaine américaine près de la gare Cornavin. Elle est souriante et heureuse de ce qu’elle vit depuis la sortie du premier film d’Adil El Arbi et Bilall Fallah. « Black » est un film coup de poing. On y découvre Martha, pleine d’énergie dans son rôle d’adolescente. Elle a remporté le Prix de la Meilleure interprétation féminine au Festival du film Black Nights à Tallinn et a été retenue dans la sélection des 10 acteurs et actrices européens les plus prometteurs dans le cadre de l’initiative European Shooting Stars 2016.
Dans Black, Martha interprète le rôle de Mavela, qui rejoint un gang de jeunes noirs qui rackettent leur quartier. En rupture avec sa mère, Mavela fait tout pour appartenir à ce nouveau groupe « d’amis ». Elle tombe amoureuse de Marwan, membre de la bande rivale des 1080, qui emprunte son nom au code postale de Molenbeek. Les deux jeunes sont contraints de choisir entre la loyauté à leur gang et l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre. Interdit en France par crainte d’émeutes, « Black » est un film plein d’énergie. Les deux réalisateurs ont réussi leur premier film sous l’influence de « West Side Story », « Roméo et Juliette », « La Haine » ou les films de Spike Lee. On peut aussi y retrouver l’ambiance des films noirs comme « L’Impasse » de Brian de Palma.
Avant le tournage, Martha était lycéenne et passait un diplôme de secrétariat polyglotte. Elle n’a pas suivi au préalable des cours de comédie et s’est fait recruter un peu par hasard : « les réalisateurs ont cherché les acteurs dans la rue, les centres commerciaux et les réseaux sociaux. Je les ai découvert par ce biais. ». Son « premier amour artistique, c’est l’écriture. » Elle fait du slam poétique, et « en parallèle du tournage, j’ai commencé à chanter. Avec le comédien Aboubakr Bensaihi (ndr qui joue Marwan, chef de l’équipe 1080), qui est aussi chanteur rappeur, nous avons réalisé une chanson de la BO du film. » Elle continue depuis une carrière dans la musique dans un groupe de hip-hop et soul, Soul’Art.
Elle avoue qu’avant le tournage, elle n’était « pas accroc au cinéma » mais avait lu le livre « Black » (de Dirk Bracke) qui est très populaire en Flandre. Ce livre décrit les bandes urbaines et cette histoire à la Roméo et Juliette. Ce film parle de violences urbaines mais pas de Bruxelles. La ville est pourtant omniprésente dans le film et il nous en fait découvrir un autre visage. Comme le précisent les réalisateurs dans le dossier de presse « dans les films de Spike Lee ou de Scorsese, New York y est un personnage central. Ces films sont grandioses car New York est grandiose, et c’est ce qu’on voulait essayer de faire avec Bruxelles. On voulait que la ville soit un personnage. Les films flamands sont souvent tournés à Anvers ou dans un petit patelin au milieu de nulle part. On voulait aussi transmettre l’authenticité de quartiers qui n’existent qu’à Bruxelles, comme Matonge, les Marolles, ou certains endroits à Molenbeek. »
« C’est une réalité pure, directe » précise Martha et « Black » offre peu de respiration pour le spectateur tant il est pris par le rythme et l’énergie de ces adolescents. Toute la force du film est aussi dans cet engrenage infernal et le manque d’espoir malgré l’amour de deux êtres. On s’attend à la chute mais on ne veut pas y croire.
Comment a-t-elle découvert le cinéma ? « Les réalisateurs nous ont demandé de visionner un certain nombre de films avant le tournage. J’ai ainsi découvert et adoré la « Cité de Dieu ». J’aime aussi beaucoup « Kill Bill » mais ce que je préfère ce sont les séries télé comme « Girls ».
L’innocence et la volonté de s’intégrer entraînent Martha dans un engrenage… Le style, le rythme, la photographie renouvellent le genre et effraient le spectateur par leur cruauté. Pour Martha « la violence, les gangs sont près de nous. Ce qui nous choque c’est que cela se passe à Bruxelles, c’est proche. Les histoires de mafias, de gangs américains ne nous empêchent pas d’aller à New-York. » Pour elle, « ce film choque. C’est voulu. Il permet aussi de faire réagir les spectateurs, de confronter les gens à une réalité qu’ils ne veulent pas voir. Ce film doit permettre de parler de ce phénomène afin de le cerner et de le comprendre. Le comprendre c’est le combattre. »
Quel est le retour des spectateurs ? « La plupart des gens aiment. Le film a été, pourtant, vendu comme une histoire d’amour. Une histoire à la Roméo et Juliette » dit-elle en souriant. « Il y a donc des spectateurs surpris. »
Après ce succès, quels sont ses projets ? « Un ou deux films en préparation » mais secret oblige et modestie lui interdisent d’en dire davantage. Martha sera plus prolixe sur la musique et sur ses concerts qui s’exportent en dehors des frontières Belge. On espère la découvrir dans ce nouveau registre lors d’un prochain festival en Suisse romande.
Elle nous donnera des nouvelles des réalisateurs qui sont « partis aux Etats-Unis tournés un film pour la Fox. Un film sur la mafia et le football. Quant à Aboubakr Bensaihi, il tente de prolonger, lui aussi, son expérience dans le cinéma ».
On lui souhaite une belle carrière, en espérant la revoir prochainement ainsi que les autres acteurs qui ont effectué une sacré performance artistique pour ce film qui ne vous laissera pas indifférent.
Black
D’Adil El Arbi et Bilall Fallah
Avec Martha Canga, Aboubakr Bensaihi, Emmanuel Tahon
Cineworx
Sortie le 25/05