Parmi les longs-métrages proposés cette année au public durant ledit festival, l’un d’entre eux m’a positivement marqué. De plus, cette fiction a remporté le prix du « Jury des Jeunes » et à juste titre. Bienvenue chez « Uma » …
A Mumbai, un couple vient de s’installer au sein d’un des logements d’un des multiples quartiers animés et propres aux basses castes. Comme des millions d’autres personnes en Inde, ils ont une seule pièce, pas de cuisine, tout juste la place pour un lit et la possibilité de brancher les appareils électroniques. Mais le récent mariage arrangé par leur famille respective n’est de loin pas rose. Tandis qu’Uma peine à cuisiner et à s’occuper de leur habitation, Gopal réalise ne pas avoir un assez bon salaire. Néanmoins, Uma s’en contrefout ! Elle s’intéresse d’abord davantage à l’impuissance sexuelle de son mari, puis par obligation et suite à une discussion avec lui, à un travail de nuit. Dès son engagement et à sa 1re sortie nocturne, elle fera d’incroyables et étranges rencontres. Uma aura ainsi la chance de percevoir et se laisser envahir par ses instincts et ses capacités. D’une certaine manière donc, elle ira de l’avant accompagnée par… des chèvres.
D’avantage reconnu dans le milieu des courts-métrages depuis un peu plus de 20 ans, comme « Sydney », Karan Kandhari s’était également investi au sein de projets différents à l’exemple de clips musicaux.
Si « Sister Midnight » lui a probablement demandé un long temps de préparation car il s’agit de sa 1re réalisation, les spectateurs-trices découvrant ce long-métrage qui n’est pas un Bollywood, mais un film d’auteur tourné en Inde, se sentiront désorienté-e-s avec une certaine frustration volontaire.
Portée superbement par la comédienne Indienne Radhika Apte (« Monica, O my Darling »), l’intrigue de sa nouvelle fiction commence d’une manière très étrange, par le silence partiel. En effet, « Uma » soit ladite actrice, ne prononcera pas un mot avant de longues minutes pour plusieurs raisons.
Notamment, à cause de sa 1re sortie mouvementée dans la rue bouillonnante et encombrée. Les rares autres fois aussi, et cela en sera en partie drôle. Car entre ses bracelets à ses bras qu’elle agite violemment et d’instinct face à la foule devant chez elle, ou son regard prononcé, intense et colérique volontaire, les différents tons et synergies s’en ressentiront très vite.
Cette réalisation ose presque tout en fait. Les genres cinématographiques en sont superbement et adroitement mélangés. Ainsi la comédie, le féminisme, la stop motion (animation créant l’illusion de déplacements naturels d’objets ou d’êtres vivants), le gore ou les injustices envers les femmes en Inde en font partie. En sus, la diversité des rencontres et images restent un maître-mot quant à la trame.
Outre la géniale distribution, qu’il s’agisse de l’acteur Ashok « Gopal » Pathak (« Indian Palace : Suite royale ») ou de sa collègue Chhaya « Sheetal, la voisine » Kadam (« Laapataa Ladies »), les nombreux cadrages centrés valorisent nettement les scènes d’action et de réflexions des anti-héros-ïnes.
En effet, au gré du quotidien des protagonistes, de leurs dialogues, pensées et interactions, elles-ils démontrent que l’impatience, une certaine forme de violence, la gestuelle ou la domesticité, amènent des situations complexes, drôles voire… dangereuses.
De plus, « Sister Midnight » contient de nombreuses surprises scénaristiques, comme les chèvres, oiseaux ou apparitions mystérieuses. Les décors et tenues vestimentaires sont d’autres éléments pertinents. Si les couleurs restent ubiquistes, chacune avec une signification précise à l’exemple du rouge en lien avec la sexualité ou les dangers, et embellissent presque chaque plan du film, la bande originale demeure un peu plus décevante.
Certes, la composition de Paul Banks agrémente et détonne durant toute l’intrigue de « Sister Midnight » au travers des mélodies rock des décennies 60-80. Néanmoins, les rythmiques de la langue anglaise s’avèrent trop présents au détriment de l’hindi ou du bengali.
Poétique, efficace et merveilleuse, cette comédie noire ravira un large public. Sans s’adresser aux plus jeunes et aux personnes peinant à lire les sous-titrages anglais (une version sous-titrée française serait prévue), « Sister Midnight » se savoure pour savoir jusqu’où va la puissance d’ « Uma » …