Après une première saison très réussie, Better Call Saul, le spin-off de « Breaking Bad » confirme sa pertinence avec dix nouveaux épisodes particulièrement réjouissants.
Pari osé, la première saison de « Better Call Saul » évitait tous les pièges du spin-off comme ceux de la préquelle, travaillant sa propre singularité tout en apportant une dimension supplémentaire à son aînée « Breaking Bad ». L’épisode final se concluait sur un James McGill déterminé qui se résolvait enfin à assumer sa véritable nature, refusant le poste respectable qui lui était offert et redevenant pour de bon le baratineur « Sleeping Jimmy ». En soi, cette première saison semblait alors se suffire à elle-même : trahi par son frère Chuck, le héros abandonnait logiquement son désir de respectabilité et se décidait à embrasser pleinement le côté obscur. La naissance de Saul Goodman n’avait à première vue pas nécessairement besoin de davantage de développement. Aussi, lorsque la seconde saison débute par un léger retour arrière qui voit McGill finalement accepter le poste chez Davis & Main, l’on pourrait craindre un étirement inutile. Mais ce serait oublier que, si le futur Saul Goodman était effectivement parvenu à un certain accomplissement après la révélation des manigances de son frère, un dernier élément le retient encore du bon côté de la barrière : Kim Wexler.
Le récit se concentre ainsi sur la relation de Jimmy avec son amie/amante de longue date, délaissant la guerre fraternelle qui était au cœur de la précédente saison avant d’y revenir pour le final. Moins disparate que sur les précédents épisodes, l’écriture offre également une place accrue à Mike Ehrmantraut, qui devient pour de bon le deuxième héros de la série. Si son arc narratif se dissocie ce coup-ci presqu’entièrement de celui de Jimmy, il permet en revanche de préparer davantage le terrain pour les futurs événements de « Breaking Bad ». Les caméos et clins d’œil sont ici plus nombreux, mais restent toujours pertinents (en particulier l’arrivée d’Hector Salamanca, qui montre le personnage sous un jour différent).
Les temporalités se mêlent toujours habilement, le passé de James McGill continuant de refaire surface çà et là pour expliquer les enjeux présents. Quant au futur, le tout premier épisode débute une nouvelle fois par une scène d’ouverture en noir et blanc qui illustre l’après « Breaking Bad ». Plus encore que la première, cette seconde saison donne ensuite à voir des bribes du véritable Saul Goodman tel que nous le connaissons : s’il n’était qu’entraperçu dans la précédente saison, l’alter ego coloré de James McGill apparaît enfin dans une formidable séquence de l’épisode 7. Une image génialement grotesque annonce alors ce que sera ce futur personnage : un simple rôle, aussi « gonflé » que tristement vide.
À l’instar de son illustre aînée, « Better Call Saul » est ainsi une œuvre aussi brillamment écrite que mise en scène. Quand elle n’éblouit pas par ses jouissives scènes de dialogue aux allures d’affrontements dantesques, la série enchaîne les trouvailles visuelles, illustrant les principaux enjeux au travers de symboles discrets mais forts en évocation. Dans la première saison, une simple poubelle abîmée résumait le rapport conflictuel de Jimmy au cabinet HHM. Ici, un thermos, qui refuse de s’insérer dans le reposoir de sa voiture de fonction, souligne l’incompatibilité entre Jimmy et ce milieu, et par extension, l’avenir incertain de sa relation avec Kim.
À bien des égards, « Better Call Saul » joue admirablement sur les connaissances du public de « Breaking Bad » : ce dernier sait déjà quels personnages accompagneront encore le héros plus tard et quel sera le destin de tout ce petit monde, mais entre deux, il reste encore quantité de zones d’ombre à explorer. Et jusqu’à présent, le spin-off de Vince Gilligan et Peter Gould a su rester à la fois cohérent et parfaitement captivant. Au contraire de la première saison qui se concluait sur un sentiment d’accomplissement et de satisfaction, ce second final se révèle particulièrement frustrant, tant pour Mike que Jimmy, tous deux dans une situation incertaine et sur le point de basculer définitivement du côté obscur.
« Better Call Saul » semblant bien partie pour gérer l’évolution de ses enjeux avec le même brio qui caractérisait « Breaking Bad », on a décidément hâte de la saison 3 !
Créée par Vince Gilligan et Peter Gould
Avec Bob Odenkirk, Jonathan Banks
Distribué par Rainbow