On aura entendu beaucoup de choses au sujet d’« Interstellar ». « Chef-d’œuvre » par-ci ; « navet » par-là ; comparaisons artificielles avec « 2001, L’odyssée de l’espace » ou encore avec le récent « Gravity » ; accusé d’être un vulgaire mélo déguisé en fresque spatiale et pseudo-métaphysique… Mais dans ce torrent d’articles, coups de gueule, tweets et autres réactions pressées qui accompagnent désormais chaque sortie de film un tant soit peu attendu (parce qu’il faut impérativement être le premier à en parler) rares sont ceux qui ont pris le temps de se pencher sur l’essence même du film. C’est ainsi que la plupart des commentaires ont complètement passé sous silence la plus grande audace du film de Christopher Nolan. Si « Interstellar » est effectivement un beau mélodrame familial et s’il parvient à émouvoir (chose rare chez le réalisateur) grâce à son exploitation des théories de la relativité d’Einstein – la séquence du père qui découvre les messages envoyés par ses enfants pendant vingt ans alors que pour lui seules quelques heures se sont écoulées est en tout point déchirante –, il porte également un regard particulièrement intéressant sur l’humanité.
Au-delà du drame familial aux allures d’épopée scientifique, « Interstellar » nous propose de penser le futur de l’espèce humaine. Dès les premières minutes, l’ombre de Darwin plane sur le film. Lorsque Murphy s’émeut du sort d’un drone que son père vient de détourner pour le convertir en « quelque chose de plus utile », ce dernier lui répond : « Cette chose doit apprendre à s’adapter. Comme nous autres.» La Terre étant rendue pratiquement inhabitable par de très fréquentes tempêtes de poussière, l’espèce doit effectivement trouver un moyen de s’adapter pour survivre. C’est dans cette perspective de survie que Christopher Nolan filme l’exploration de l’espace. Là est la plus grande audace d’« Interstellar » : inscrire la quête de ces explorateurs spatiaux dans la continuité de l’évolution de l’espèce. Sur la base de cette idée, le réalisateur rend un magnifique hommage aux pionniers et ose l’idée d’abandonner la planète qui nous a vus naître, que plus personne n’essaie d’ailleurs de sauver, comme en témoignent ces mots du personnage incarné par Anne Hathaway : « Nous n’étions pas censés sauver le monde mais le quitter. »
Au final, c’est le courage de ces hommes qui refusent de mourir tranquillement (l’analogie entre le « good night » symbolisant la mort du poème de Dylan Thomas et le vide sidéral dans lequel s’enfonce Cooper et Brand fonctionne à merveille) et la perspective de vivre sous un nouveau soleil qui émeuvent le plus.
Interstellar
De Christopher Nolan
Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Michael Caine
Warner Home Vidéo