Sixième épisode de la série Alien, Covenant constitue un second préquel à la saga. Entre questionnement de ses propres origines et réflexion totale sur la création, il est une invitation à frémir autant qu’à réfléchir.
« Tout acte de création est d’abord un acte de destruction. » Picasso n’avait probablement pas vu Covenant lorsqu’il écrivait ces mots. Et pourtant, le dernier film en date de Ridley Scott correspond étrangement bien à cette affirmation. Prenant chronologiquement place entre le très moyen Prometheus et Le huitième passager, premier film de la saga réalisé en 1979 par Ridley Scott toujours, ce dernier-né de la série propose une réflexion sur les multiples facettes de la création, revenant sur les origines du désormais célèbre xénomorphe.
Les premières minutes du film suffisent à annoncer la couleur et plongent le spectateur encore plus loin dans le passé, avant le lancement de la mission Prometheus. On y assiste à la naissance de l’androïde David, incarné (avec brio toujours) par Michael Fassbender, véritable clé de voûte de ce dernier épisode. À peine sur pattes, Peter Weyland, son créateur, lui demande de choisir un prénom. « David », répond-il, les yeux rivés sur une reproduction de la statue éponyme de Michel-Ange. Invité ensuite à prendre place devant un piano, l’androïde interprète L’entrée des dieux au Valhalla, tiré de L’or du Rhin de Wagner. Nul besoin d’en dire plus, une quadruple réflexion (artistique, technologique, religieuse et mythologique) est d’ores et déjà esquissée, réflexion qui ne manquera pas de s’approfondir et de s’affiner tout au long du film.
Mais un bon background philosophico-techno-spirituel ne suffit pas à faire du bon cinéma. Si l’aspect réflexif (voire même parfois autoréflexif) d’Alien : Covenant est brillant, son écriture l’est beaucoup moins. Hormis les trois personnages principaux (les deux androïdes incarnés (eh oui) par Fassbender ainsi que l’officier Daniels, incarnée par Katherine Waterson) qui bénéficient d’une psychologie travaillée et d’une profondeur intéressante, le reste de l’équipage du Covenant est d’une platitude navrante, allant souvent jusqu’à la vacuité. Aussitôt morts, aussitôt oubliés. À ce niveau-là, l’équilibre du film en prend un sacré coup.
La gestion de la tension (je n’irais pas jusqu’à dire « peur ») est beaucoup plus réussie. Si les événements narrés dans Covenant sont chronologiquement plus proches de Prometheus, sa construction s’apparente davantage aux quatre premiers épisodes de la saga. Au niveau scénaristique déjà, l’officier Daniels ressemblant sous plusieurs aspects au lieutenant Ripley, mais surtout en ce qui concerne la tension. On retrouve ce stress claustrophobique des débuts, ce jeu du chat et de la souris, ces retournements in-extremis à la sauce Hollywood qui, faute d’être originaux, sont efficaces. Autant d’ingrédients qui, une fois mélangés, parviennent à susciter un stress palpable chez le spectateur.
Alien : Covenant, donc, vaut le détour. Le film n’est certes pas parfait, mais ses qualités compensent la plupart de ses défauts. Ridley Scott a su trouver le bon équilibre entre une action bien rythmée et une réflexion multiple sur la création, sublimée par deux androïdes si semblables et si différents à la fois, deux frères ennemis, deux Fassbender qui auraient pu porter le film à eux seuls. La confusion des genres chère à la saga est elle aussi toujours de la partie : les hommes accouchent tandis que les femmes sauvent le monde.
Le twist final pour terminer, puisque oui, il y en a un, invite le spectateur à poursuivre la réflexion et le laisse impatient de voir la suite, puisque oui, il y en aura une. Deux, même ! Rendez-vous en 2019.
- Réalisé par Ridley Scott
- Avec Michael Fassbender, Katherine Waterson, Billy Crudup et Danny McBride
- Brandywine Productions / Scott Free Productions