Pendant la 8e édition des « Rencontres du 7e Art » à Lausanne, nous eûmes la possibilité de rencontrer la comédienne, musicienne et pianiste Alice Taglioni. Elle nous expliqua avec plaisir et engouement sa passion pour la musique et son envie de faire un bœuf avec Nina Simone.
Vous aviez entre autres, commencé votre carrière en participant à « Hélène et les Garçons ». Quels souvenirs en gardez-vous ? Sincèrement, assez mauvais. C’était un petit boulot d’étudiante, j’étais encore au conservatoire de musique. J’avais répondu à une annonce pour un casting, puis sélectionnée pour un petit rôle. J’en étais heureuse, ça m’amusait et j’avais déjà envie de jouer, de voir ce que c’était. Mais je n’ai pas aimé car c’était l’usine. Je n’avais pas de liberté vestimentaire et malheureusement, les garçons que j’ai croisé sur place, n’ont pas eu un bon comportement avec moi et ma tenue. Je m’étais vraiment sentie très mal à l’aise. Mais cela ne m’a pas empêché de faire mon métier de comédienne avec amour.
Vous avez perçu votre amour pour la musique et le piano depuis longtemps déjà. Mais comment ce sentiment est-il né ? Il est arrivé à ma naissance (rire). Je dis ça parce que je viens d’une famille où la musique est un langage. J’ai depuis toujours été baignée dedans avec la grand-mère au violon ou le grand-père au piano. En fait, je suis dans une famille très amoureuse de la musique.
Si un-e cinéaste vous proposait une fiction où le piano est au cœur du récit, que feriez-vous ? Je réagirais formidablement bien à cette belle idée. Il y a quelque chose de très romantique autour de ça et encore plus autour d’une femme pianiste car on en voit peu. J’ai déjà envisagé et imaginé des choses… Il y a beaucoup de possibilités autour de la musique, du piano, des fresques romantiques ou films d’espionnage. Oui, j’y participerais avec une grande de joie.
Que pourriez-vous faire pour donner envie aux nouvelles générations de femmes afin qu’elles deviennent pianiste et/ou compositrices dans le 7e Art ? C’est très bonne question parce qu’il faut maintenant essayer de transmettre la musique et le piano, puisqu’on parle de lui, de façon moins austère et académique. Où chacun-e peut se sentir concerné-e-s sans se dire qu’on est obligé-e-s de faire 8 heures par jour et de passer par les conservatoires ou des écoles prestigieuses de musique pour composer et jouer. Se sentir totalement libre et laisser aller son imagination et sa création. Apprendre les notes et le solfège, ou pas, ne pas se mettre de barrière et y aller sans trop se poser de questions. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises façons d’apprendre la musique, il faut la ressentir.
Au point d’avoir l’oreille absolue ou pas forcément ? L’oreille absolue est très rare et il y a aura beaucoup de très bons-nes musiciens-iennes qui ne l’auront sans doute pas. Heureusement, ce ne sont pas que les gens qui ont uniquement ce don, qui peuvent faire de la musique. Parce qu’il y aurait très peu de musiciens-iennes sur cette planète.
Éric Serra, Ella Fitzgerald, Louis Armstrong ou Nina Simone vous propose un bœuf avec votre piano. Qui choisiriez-vous et pourquoi ? Nina Simone parce qu’on peut se mettre au piano toutes les 2. On peut jouer ensemble, que c’est une femme bouleversante avec une histoire, comme Ella Fitzgerald d’ailleurs, fascinante, incroyable et en même temps tragique. Mais surtout, Nina Simone pose ses mains sur son piano et on entend à peine le son de sa voix, qu’on la reconnaît tout de suite. Elle transperce quelque chose.
L’une des problématiques actuelles est l’intelligence artificielle par rapport au cinéma et la musique. Qu’en pensez-vous ? Le mot problématique ne doit pas être celui qui vient quand on pense à l’intelligence artificielle. Il ne faut pas que cela soit un problème car de toute façon, on va faire et vivre avec de plus en plus. De la musique a déjà été faite avec l’intelligence artificielle, même dans le cinéma avec des effets spéciaux, ce n’est pas nouveau. Il y aura des choses qu’on ne pourra pas modifier, trafiquer parce qu’elles ont trop de liens avec l’humanité. Mais je pense qu’on peut travailler, découvrir, et avancer avec elle. Avoir aussi accès à des choses qu’on n’imaginait pas. Donc, ça peut être fantastique si on sait s’en servir, si on ne va pas dans l’excessif et que ça ne prive pas les auteur-e-s, acteurs-trices, musiciens-iennes, de leur adn, leur travail et leur revenu.
Dans le futur, si cette technologie est avancée et encadrée, vous pourriez l’utiliser ? Oui, pourquoi pas sous une forme d’échange. Car oui, tout fait peur. Mais il faut arrêter d’avoir peur de tout car sinon on ne fait plus rien. Donc, il faut envisager des choses où tout se partage et ne pas être systématiquement méfiant en pensant qu’il s’agit d’une catastrophe. Enfin… On verra bien. Mais oui, je pourrais envisager même dans la recherche d’une harmonie (musicale) que je ne trouverais pas, ou d’un accord, où je me sentirais un peu bloquée, ça peut être super.
Votre piano vous importe-t-il au point de communiquer avec lui ? Oui, car c’est par lui que le son arrive. La transe, même si ce n’est pas vraiment ce que je ressens, ou le vecteur arrive par ce biais. C’est sur lui que je m’énerve et il peut recevoir des insultes. Il peut souffrir un peu physiquement, ou recevoir un peu d’amour, des larmes, de l’affection ou des mots doux.
Quelle fut votre composition la plus aisément effectuée ? S’il faut être honnête, quand je me mets au piano, cela vient tout seul. Parfois c’est bien, parfois moins bien. Souvent très proche et identique. Donc, j’ai plusieurs façons d’écrire et de composer. J’évite surtout de me répéter.
