Alice Guy, la première femme cinéaste de l’histoire, est une œuvre hybride, entre le récit historique et le roman avec des incursions du côté du manifeste féministe. Malheureusement, des défauts et des lourdeurs se retrouvent dans chacune de ces catégories, qui se marient mal entre elles.
La première partie du livre, empreint d’un pathos larmoyant, relate l’enfance d’Alice Guy. Emmanuelle Gaume, qui semble reprendre sans recul le point de vue d’Alice, détaille les interactions entre les membres de la famille Guy, qu’elle ponctue de séquences d’un dramatisme exacerbé. Ellipses, épisodes anecdotiques et dialogues sans intérêt s’alternent, formant un patchwork mal cousu, qui ne contribue pas à créer une ambiance et nous livre des personnages inconsistants. A cela s’ajoutent quelques petits évènements présentés maladroitement comme étant annonciateurs de la future vocation d’Alice Guy.
Nous avons enfin l’impression d’entrer dans le vif du sujet après le premier quart du livre, avec son entrée dans la vie active. Le récit devient plus fluide et les crises de larmes sont remplacées par des éclats de rire, dont la profusion lasse plus qu’elle n’amuse. Alice Guy qui travaille pour Gaumont, à Paris, est aux premières loges pour assister aux innovations en lien avec la reproduction des images et la synthèse du mouvement. Plusieurs grands noms de l’histoire du cinéma et du pré-cinéma sont mentionnés, alors qu’étrangement d’autres sont passés sous silence. Malgré cet observatoire de choix, le récit nous laisse sur la frustration d’une vision superficielle émaillée de faits dont la réalité historique est discutable.
Pour finir, la prise de position féministe, qui ponctue le roman, présente des aspects anachroniques et très ambigus ; la condition féminine – vu par un prisme moderne – est lourdement décriée, alors que des passages contigus sont chargés des clichés les plus éculés. Tout cela sans faire de liens et comparaisons avec la situation actuelle des femmes dans la société et le milieu cinématographique en particulier. On ne souligne pas non plus le fait qu’ Alice Guy totalement absorbée par les débuts de sa carrière, profitait elle-même du travail dans l’ombre d’une femme, sa propre mère, qui s’occupait de tous ses tracas ménagers.
En conclusion, bien qu’ayant des faiblesses narratives, le livre nous éclaire sur la vie mouvementée de cette figure historique ; sa force de travail, ses talents en tant qu’artiste, artisane, technicienne, femme d’affaire, organisatrice, négociatrice, réalisatrice, productrice, sans oublier de souligner son ouverture au monde, sa force de caractère, sa curiosité et son inventivité qui semblent inépuisables. En somme ; Alice Guy réunissait, d’une part, toutes les énergies et les compétences nécessaires à l’élaboration de nombreux films et satisfaire ainsi une demande grandissante. Et d’autre part l’énergie et les ressources personnelles indispensables pour faire face à la concurrence féroce au sein de cette industrie naissante.
Sa contribution au cinéma des premiers temps est inestimable ; plus de 400 courts et moyens métrages ! J’invite quiconque qui se sent l’âme curieuse, ou nostalgique – ou les deux – qui n’auraient pas l’intention d’affronter le livre de suivre les liens, qui donnent un bon aperçu de son parcours et de son œuvre :
Une synthèse de la vie d’Alice Guy sur Wikipedia: fr.wikipedia.org/wiki/Alice_Guy
Dans les tous premiers films : La fée aux choux 1896:
Film colorisé : Le départ d’Arlequin et de Pierrette, 1900,
Un peu de mouvement : Danse Excentrique, par Lina Esbrard, 1902
https://www.youtube.com/watch?v=-p2hWW-dZ3g
Son fameux moyen métrage : Naissance vie et mort du Christ ou « La Vie du Christ », 1906:
Alice Guy, la première femme cinéaste de l’histoire
Par Emmanuelle Gaume
Editions Plon
un article très intéressant . . . . et bien écrit. ( Hi, Miranda ! )