Conférence de presse d’Abel Ferrara à la Mostra de Venise 2014
Le directeur italo-américain Abel Ferrara, 63 ans, sera en compétition à la Mostra de Venise avec son « Pasolini » . Le film a été tourné, en anglais, avec Willem Dafoe dans le rôle de l’intellectuel. L’acteur dit du cinéaste : « Ferrara est un écrivain, un poète, il a dirigé le film merveilleusement, il est d’ailleurs une personne merveilleuse ».
Abel Ferrara est un réalisateur iconoclaste, un pied dans l’histoire du cinéma, et l’autre dans le show-biz. Ainsi, devant sa caméra, sont passés des superstars comme Harvey Keitel, Chris Walken, Madonna et Claudia Schiffer. Aujourd’hui, à Venise, Ferrara est apparu une bouteille d’eau d’un litre et demi à la main, peut-être les prémisses d’un nouveau baptême.
Pourtant, en passant au peigne fin sa biographie, il demeure un cinéaste controversé. Présentant en parallèle du dernier Festival de Cannes, « Bienvenue à New York », film médiocre dédié à l’affaire DSK et qui a suscité beaucoup de remous, le cinéaste a plaidé sa cause en ces termes : « Eh bien, je suis un metteur en scène. Je fais des films. Avec « Le Dernier Tango à Paris », cela a été un gâchis, Marlon Brando est allé en prison. C’est drôle, vous faites un film et votre acteur finit par être arrêté ! Je suis un artiste, j’ai ma liberté d’expression. Je fais un film sur DSK, mais, bien évidemment, j’ai affaire aux avocats de son ex-femme, Anne Sinclair. J’ai reçu une plainte pour ce que je fais. Or, je fais des films non pas pour le plaisir, mais pour de vrai. Je suis un artiste, je ne suis pas réalisateur de documentaires. Ces films sont à moi ».
Le ton est donné : Ferrara fait ce que bon lui semble, que cela plaise ou non. Son nouveau film porte sur un réalisateur intellectuel, aux films controversés : Pasolini. Pour ceux qui le connaissent, Ferrara est un habitué des sujets difficiles : l’addiction, le vampirisme, la mafia. Ce film suit la logique de ses choix. Ferrara tend ici une corde entre le sacré et le profane. On peut néanmoins se demander pourquoi choisir de faire un film sur Pasolini. A la conférence de presse, Abel Ferrara s’amuse et explique en riant : « Vous savez… Pasolini était lui-même poursuivi par la justice. C’est la malédiction de tous les admirateurs qui considèrent leurs modèles comme des professeurs. Pasolini est pour moi une source d’inspiration : un écrivain, un poète, c’était une personne merveilleuse. » A entendre Ferrara plaider la cause de Pasolini, on pourrait presque croire qu’il s’agit d’un saint, si on ne connaissait pas le parcours de cet artiste. Rappelons que le cinéaste qui parle en odeur de sainteté de Pasolini est celui qui a photographié le viol d’une religieuse avec un crucifix (« Bad Lieutenant »), a aiguisé ses crocs dans le nihilisme (« The Addiction2), a relaté l’histoire d’une serial killer, violée, qui trouve sa revanche en tuant (« Ms. 45 Angel of Vengeance »).
Devant un parterre de journalistes avides d’en savoir plus, Abel Ferrara poursuit : « Je suis un cinéaste et j’essaie de tout dire grâce à mon imagination et j’espère que les gens vont saisir, et savoir apprécier la valeur artistique de ce geste. » Après Gérard Depardieu pour DSK, Ferrara a donc trouvé Dafoe pour Pier Paolo Pasolini : « J’attends de mes acteurs qu’ils fassent un coup d’éclat, qu’ils s’engagent à l’extrême dans ce putain de film ». Sur la responsabilité de la mort de Pasolini, le cinéaste ajoute : « Bien sûr, j’ai fait quelques recherches, ces gars-là sont réels, ils sont exactement comme vous les voyez. C’est drôle, paradoxal. Pour interpréter ces gangsters, les acteurs ont regardé et commencé à se comporter comme les Sopranos ». Au Lido, il semblerait que ce film sur Pier Paolo Pasolini soit la première vague de cette Mostra 2014…