Enfant terrible du cinéma américain, Abel Ferrara à qui l’on doit des brûlots tels que « Bad Lieutenant », ou « King of New York », et plus récemment « Mary », est un amoureux de la Grande Pomme, sa ville, dont il décrit la violence urbaine, la corruption, les bassesses humaines, mais aussi la rédemption des individus et leur part de spiritualité. Par la force des choses, au vu de son sujet, le sulfureux « Welcome to New York » arrive précédé d’un parfum de scandale. Non diffusé en salle en France et y ayant subi les foudres de la censure, il ne peut qu’attirer la curiosité malsaine du badaud avide de sensations fortes.
Évidemment, les principaux intéressés, à savoir Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair, qualifient pour leur part le film de « diffamant » et ont ouvert une plainte à son encontre. Pour rappel, le film s’inspire librement de l’affaire DSK, tout en étant très proche du récit qu’en ont fait les médias et que tout le monde connaît, à la différence près que DSK s’en est tiré, alors que le long-métrage de Ferrara est sans appel quant à la culpabilité du prévenu. En termes de fiction, le fait que l’on connaisse la trame du récit est déjà en soi un sérieux handicap de départ. Handicap certes compensé par le choix évident de Gérard Depardieu dans le rôle-titre (Deveraux/DSK), de même que celui de Jacqueline Bisset pour interpréter son épouse (Simone/Sinclair). L’acteur renoue ainsi sans complexes avec les débuts de sa carrière (« Loulou ») lorsqu’il ne rechignait pas à se mettre à nu devant la caméra, au propre comme au figuré.
En préambule, Depardieu, l’acteur, s’adresse à une assemblée de journalistes, avec une mise au point concernant la politique et cet homme « qu’il n’aime pas » et dont il a accepté pourtant d’endosser le rôle. Le film nous dépeint un homme imbu de pouvoir, coupé de la réalité et ne pouvant s’empêcher de céder à ses pulsions sexuelles compulsives, pire encore, se croyant au-dessus des lois, de par son immunité parlementaire. Le faux-pas (de trop) va faire s’écrouler tout l’édifice : fini la perspective d’une présidence de la République française et perte de celle du FMI. Choc aussi dans le couple, même si on peut supposer que Simone était au courant des turpitudes de son mari. Celle-ci va louer un appartement pour la durée du procès et remuer ciel et terre pour sortir son époux des geôles américaines.
Paradoxalement, le film d’Abel Ferrara souffre de sa volonté de réalisme, les scènes d’orgies sexuelles du début, même si elles ont leur raison d’être, enfoncent le clou et la séquence avec la femme de chambre est présentée de manière trop littérale, frôlant le ridicule. A côté de cela, la dureté du système carcéral est dépeinte avec une acuité qui fait froid dans le dos. Plus intéressante, la seconde partie du film expose la crise du couple, la confrontation et le face-à-face qui en découle. Il y a aussi la couverture du procès, carrément un genre en soi, que les américains maîtrisent et affectionnent particulièrement. En conclusion, pourtant, le film laisse une impression mitigée si on le replace dans la filmographie de Ferrara.
L’ambiguïté persiste, entre un film qui se veut de l’ordre de la fiction et qui pourtant coïncide avec la réalité qu’il décrit… Reste Depardieu. Côté bonus, la conférence de presse à Cannes, ainsi que quelques entrevues, notamment avec Ferrara et Christ Zoist, scénariste et psychiatre.
Welcome to New York
D’Abel Ferrara
Avec Gérard Depardieu, Jacqueline Bisset
Wild Side / Dinifan
(Miguel – FNAC Rive-Genève)