Avec une esthétique enlevée et non dénuée de poésie, Arnaud Desplechin signe une bouleversante séance de nostalgie qui capture les états d’âme de la jeunesse.
Le réalisateur français connaît une nouvelle sélection au Festival de Cannes avec Trois souvenirs de ma jeunesse, cette fois-ci à la Quinzaine des Réalisateurs. Le cinéaste livre une prequel (auto-)conclusive à l’un de ses précédents films, puisqu’il retrouve Paul Dédalus, le protagoniste de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996), à qui il va confronter son passé. Arrêté à la douane pour des problèmes de passeport, le personnage se remémore certains épisodes de sa jeunesse, et commence à se souvenir….
Bien que son film induise trois analepses, Desplechin consacre la majorité de sa narration à l’une de celles-ci, qui narre l’idylle entre Paul et Esther. Les deux premiers chapitres se révèlent être autant des bribes anodines que des moments constitutifs de la vie de Paul, alors partagée entre une famille déchirée et une naïveté intermittente. Le troisième souvenir – la pierre angulaire du récit – entraîne le long-métrage dans des déambulations fiévreuses, à travers lesquelles le réalisateur se permet des singularités qui, non sans rappeler les travaux de certains artisans de la Nouvelle Vague, parviennent à mettre en image certains sentiments avec une vivacité déconcertante. La relation maladive que témoigne le protagoniste de son amour illustre l’importance d’Esther dans sa vie et, logiquement, de la place prise par ce chapitre dans la narration globale.
La construction fragmentaire du film s’oppose paradoxalement à l’étrange linéarité qui s’en ressent. Ceci est merveilleusement exemplifié dans la première séquence montrant Paul de retour à Roubaix, scène où d’habiles split screens distribuent autant les personnages que les enjeux, avant que le tourbillon d’images ne délaisse finalement Paul dans un coin du cadre, esseulé dans un plan large et en contrechamp de son destin. L’alchimie de la scène fonctionne également grâce aux superbes jeunes acteurs – Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet – qui fournissent une performance à la fois sensible et habitée.
Structurant la dramaturgie du long-métrage, le caractère fortement littéraire de Trois souvenirs de ma jeunesse risquera de froisser certains spectateurs. Pourtant, le film est à l’image du protagoniste : passionné et intense. On aimerait réussir à mémoriser tous ces magnifiques dialogues, à capturer la beauté évanescente du film, mais tout n’est bientôt que souvenir. À nous dès lors – et comme l’a si somptueusement fait Desplechin – de fragmenter le passé et d’en cultiver de nostalgiques réminiscences.
Trois souvenirs de ma jeunesse
D’Arnaud Desplechin
Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet, Mathieu Amalric
Xenix Film
Sortie le 03/06