Il y a des films qui vous emportent instantanément, qui vous prennent aux tripes et ne vous lâchent plus. « Sicario » est de ceux-là.
Dès son ouverture, saisissante, le nouveau film de Denis Villeneuve fascine. On assiste à un assaut mené par le FBI dans la planque supposée de preneurs d’otages appartenant à un cartel. À l’arrière du blindé des troupes de choc, Kate, une jeune recrue prometteuse, se concentre. La beauté sèche de la photographie de Roger Deakins, irradiée par les rayons du soleil qui filtrent des embrasures du véhicule et inondent le paysage filmé dans de splendides plans aériens, nous brûle la rétine. Voilà l’opération lancée. La mise en scène est précise, le montage percutant, les basses de la B.O. signée Jóhann Jóhannsson grondent et soulignent parfaitement le réalisme de la séquence. Une fois le repère du cartel assiégé et nettoyé, le tout pratiquement sans qu’aucun mot ne soit prononcé, Kate fait une découverte macabre. Motivée à mettre la main sur les grosses pointures du cartel, elle se fait enrôler par un mystérieux agent pour participer à une opération clandestine à laquelle prend part un consultant étranger tout aussi énigmatique. Dépassée par la situation, manipulée et forcée d’agir à la limite de la légalité, la jeune recrue idéaliste verra ses convictions mises à mal.
Depuis la fameuse séquence du bus de « Incendies », nous savions que Denis Villeneuve était capable d’insuffler une véritable tension à une scène. Avec son septième film, il parvient à déployer cette maîtrise sur l’ensemble d’un récit. Le suspense trouve son acmé dans l’une des séquences les plus fortes vues cette année au cinéma : une impressionnante exfiltration routière qui offre l’occasion au réalisateur canadien de démontrer son sens du cadrage et de la spatialisation. Porté par un casting impeccable (Emily Blunt, une fois de plus très convaincante, Josh Brolin, cynique à souhait et Benicio del Toro, jamais aussi bon que lorsqu’il est sur la retenue), « Sicario » met en scène un scénario de Taylor Sheridan (son premier !) qui n’est pas sans rappeler l’excellent « Zero Dark Thirty ». Bien que leur personnage principal féminin diffère, les deux films questionnent la nécessité du mal et dépeignent sans compromis le cynisme de la politique américaine ; dans sa guerre contre le terrorisme chez Bigelow et ici contre les cartels de la drogue. Au-delà du simple spectacle, « Sicario » soumet avec habileté une réflexion complexe et essentielle.
SICARIO
De Denis Villeneuve
Avec Emily Blunt, Benicio del Toro, Josh Brolin
Impuls
Sortie le 7/10