Après le succès très mitigé remporté par «Superman Returns» de Bryan Singer, c’est au tour de Zack Snyder ( « 300 », « Watchmen ») de s’attaquer au père de tous les super-héros.
Si Singer avait fait le choix de donner une suite alternative au «Superman» de Richard Donner de 1978, accouchant ainsi d’une œuvre onirique, sensible et sincère qui fleurait bon la nostalgie, « Man of Steel » est un reboot total de la franchise. Il faut comprendre par là qu’à l’instar du « Batman Begins » de Christopher Nolan, c’est une nouvelle histoire qui s’affranchit de tout lien avec les films précédents. Le nom de Nolan est d’ailleurs également attaché à ce nouveau Superman (à la production et co-crédité pour l’histoire) mais l’on devine que c’est avant tout pour des raisons commerciales. En effet, le véritable scénariste est en réalité David S. Goyer, déjà à l’écriture sur la récente trilogie « Batman » mais aussi connu pour son travail sur la trilogie « Blade », dont le premier opus est véritablement le film qui lança, à l’aube des années 2000, cette gigantesque vague d’adaptations de comics de super-héros qui perdure encore aujourd’hui.
Ce nouveau « Superman » est d’autant plus attendu au tournant qu’il est plus ou moins officiellement annoncé comme étant la première fondation d’un univers cinématographique DC Comics, dans le but de réunir par la suite les personnages les plus célèbres de la maison d’édition tels que Batman, Flash, Green Lantern et Wonder Woman dans un film Justice League : une équipe de super-héros comparable aux Avengers de Marvel.
Qui dit reboot dit nouveau casting, et c’est l’anglais Henry Cavill qui est appelé à succéder à Brandon Routh dans le rôle du dernier fils de Krypton. Le pauvre était déjà passé à deux doigts d’obtenir le rôle pour « Superman Returns » et avait été recalé en finale face à Daniel Craig pour incarner le nouveau James Bond, lui valant le surnom d’homme le plus malchanceux d’Hollywood. Mais tout vient à point à qui sait attendre et il lui suffit de quelques instants de présence à l’écran pour nous convaincre qu’il est Superman, dans toute sa grandeur et sa noblesse, mais aussi dans toute sa vulnérabilité et sa gentillesse. L’acteur dégage également une virilité authentique qui le démarque encore d’avantage de la plupart de ses prédécesseurs, conférant au personnage une sublime aura de force et de vitalité. Mais au-delà d’Henry Cavill, c’est tout le casting qui est d’une qualité impressionnante. Russell Crowe fait preuve d’un charisme à toute épreuve sous les traits de Jor-El, le père biologique de Superman, tandis que Diane Lane et Kevin Costner incarnent à merveille les parents adoptifs de Clark Kent. Amy Adams campe une Lois Lane crédible et déterminée, tandis que Michael Shannon donne vie à un général Zod impitoyable, qui n’est cependant pas loin de se faire voler la vedette par sa soldate Faora, interprétée par l’actrice allemande Antje Traue, beauté glaciale au regard hypnotique.
Tout au cours de son histoire, Superman (qui a fêté ses 75 ans cette année) n’a cessé d’évoluer avec son temps. Ses origines ont été sans cesse réinventées pour le faire traverser au mieux les époques et aujourd’hui ses aventures sont toujours suivies chaque mois par des milliers de lecteurs.
Embrassant cette tradition, « Man of Steel » ancre plus que jamais le personnage dans notre réalité contemporaine. Et si demain un extraterrestre doté des pouvoirs d’un dieu se révélait au grand jour, quelle serait la réaction de l’humanité ? Le film souligne fortement l’origine alien du personnage, nous permettant de mieux comprendre la solitude inhérente à sa condition d’étranger. Ici plus que jamais, Superman représente la figure de l’immigré qui épouse pleinement les valeurs de sa terre d’adoption et s’élève comme l’exemple ultime d’une intégration réussie.
Au final, cette version de Superman fait l’effet d’une bombe atomique. S’il n’est pas parfait – la première partie souffre d’un rythme un peu trop rapide – « Man of Steel » est un film extrêmement généreux. Zack Snyder nous offre les scènes d’action les plus épiques et les plus impressionnantes jamais vues dans un film de super-héros, de quoi faire passer le final d’Avengers pour une joute de bac à sable. Les affrontements d’ampleur mythologique que l’on peut voir depuis plusieurs années dans les excellents films d’animation de DC Comics prennent enfin vie sous nos yeux. Le niveau de destruction apocalyptique est tel que l’on a parfois l’impression d’être devant un kaijū eiga (film de monstres japonais) où des créatures titanesques s’affrontent en détruisant des villes entières.
En termes de réalisation, Zack Snyder prend son propre contre-pied : après avoir bourré ses précédents films de ralentis – parfois jusqu’à l’overdose –, il filme cette fois l’action de manière nerveuse, rapide et brutale. Tout donne l’impression que la caméra arrive tout juste à suivre les déplacements de ces surhommes et le résultat est simplement époustouflant.
Le film est esthétiquement superbe et nous n’en attendions pas moins d’un fétichiste de l’image comme Snyder. Le nouveau costume est un véritable bijou et le réalisateur prend plaisir à iconiser l’homme d’acier dans toute sa splendeur, tel un dieu qui marcherait parmi nous. Clark a d’ailleurs 33 ans dans le film, l’âge du Christ à sa mort. Mais au-delà du parallèle christique (appuyé plusieurs fois dans le film), Superman est plus proche encore de l’image d’un dieu païen de notre mythologie européenne pré-chrétienne, doté de pouvoirs surhumains mais avec les doutes et les faiblesses d’un homme. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Ce sont ces deux questions qui vont guider Clark Kent au cours du film, aidé par une narration atypique et ingénieuse, toute en flash-backs. Si Snyder est un homme d’action avant tout, il n’oublie pas l’émotion et la plupart des moments fondateurs de la jeunesse du futur Superman sont profondément touchants. Le tout est sublimé par la musique du compositeur allemand Hans Zimmer, déjà à l’œuvre sur les « Batman » de Christopher Nolan, qui nous offre ici l’antithèse du célèbre travail de John Williams tout en fanfare. Loin de se répéter comme l’accusent certains de ses détracteurs, il livre une bande-originale qui épouse à merveille les scènes les plus intimistes et les affrontements les plus épiques, avec quelques chœurs discrets mais terriblement efficaces.
«Man of Steel» est une expérience comme il n’en existe nulle autre à l’heure actuelle, un monstre qui allie scènes d’action proprement démesurées et puissance émotionnelle, sans jamais oublier de faire preuve d’un profond respect pour le personnage et pour ce qu’il représente. Un nouveau standard du genre et un magnifique cadeau pour les 75 ans du plus grand de tous les super-héros.
Man of Steel
De Zack Snyder
Avec Henry Cavill, Diane Lane, Kevin Costner, Amy Adams…
[Stéphane Gerber]