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mardi, novembre 19, 2024
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Les nombreux visages de Patricia Highsmith et de son roman « Carol ».

Patricia Highsmith (Carol)

Il est presque attentatoire, d’user du terme « recherches » pour se référer à l’entreprise sans fin que constitue l’étude d’un brillant écrivain. « Exploration » serait un mot plus approprié.


C’est une tâche qui relève presque du domaine de l’archéologie. La constante expansion d’une apparente couche de sol dans laquelle bien des âmes tentent de creuser plus profond que profond; dans le but d’y déceler tous les mystères requis afin de compléter leur portrait de l’écrivain : l’artiste en l’écrivain, doué, ingénieux et imaginatif. L’humain en l’écrivain, courageux et imparfait. Un être qui – avec un peu de chance – nous est juste assez semblable et qui représente à la fois, infiniment plus que nous. C’est cette barrière délicieusement floue entre concret et abstrait, fait et fiction – et dans le cas de Patricia Highsmith la jonction entre les deux – qui importe, car bien souvent dans l’univers de Highsmith, les deux sont étroitement reliés.

Patricia Highsmith
Patricia Highsmith

Née le 19 janvier 1921 à Fort Worth au Texas. Enfant unique de Mary Coates Highsmith, qui admettra (scandaleusement tôt) avoir avalé de la térébenthine afin de mettre un terme à sa grossesse lorsqu’elle était enceinte de Pat. Son père biologique, Jay B. Plangman, restera absent durant pratiquement toute sa vie. Elle fut élevée par sa grand-mère Willie Mae Coats dans leur maison de famille, avant de déménager à New-York à l’âge de 7 ans, avec sa mère et son beau-père Stanley Highsmith – le couple qui lui inspirera tout au long de sa vie, des « fantasmes meurtriers ».

C’est à l’université de Barnard qu’elle étudiera la littérature, avant de se lancer dans l’écriture de ses premiers romans et de scénarios de bandes dessinées pour Sangor-Pines et Timely Comics (plus connu aujourd’hui sous le nom de Marvel) pour arrondir ses fins de mois. Un fait qu’elle niera durant des années, compte tenu du statut de vulgarité et de « poubelle de la littérature » alors attribué au business du comics.

En 1950, elle publie son premier roman « Strangers On a Train » (« L’Inconnu du Nord Express »). Le premier d’une longue lignée qui traitera de criminalité avec un certain degré de profondeur psychologique. C’est un genre dans lequel elle se démarquera tout au long de sa vie avec des classique tels que la série des Ripley, « This Sweet Sickness », (« Ce mal étrange », 1960), ou encore avec des œuvres telles que « Deep Water » (« Eaux Profondes », 1957) ou « The Cry of the Owl » (« Le Cri du Hibou », 1962).

Son éternelle exploration de ce qui constitue le moral et l’immoral à travers ses personnages, résulte de son obsession quant à la difficulté à définir ces notions avec exactitude : « l’interprétation de l’attitude n’est pas une science mais un art. C’est sa flexibilité qui me tourmente ».

Highsmith, en 1950, arrache le filtre du raisonnable placé jusque-là sur les représentations littéraires de meurtriers de sang-froid. Elle redéfinit le degré de tolérance du lecteur face à la cruauté, ainsi que le degré d’empathie pouvant être éprouvée à l’égard de l’être cruel; un bouleversement de l’équilibre sans doute dû au fait que, dans le monde de Highsmith, le crime prend l’importance et le rythme d’une histoire d’amour, il est abordé comme tel. Et l’amour – à l’exception de son roman « The Price of Salt » (« Carol », 1951) – prend un degré de noirceur et de pessimisme qui rend sa présence parmi les pages aussi dérangeante que la mention d’un acte abjecte. Lorsqu’elle tente d’accommoder les deux à la même enseigne c’est d’ailleurs souvent à travers le sujet de la double identité, ou du trouble de la personnalité (« Ripley, The Tremor of Forgery », 1969 ; « The Blunderer », 1954).

Patricia Highsmith en 1987
Patricia Highsmith en 1987

L’un est donc au final, voué à l’échec lorsque l’autre prend le dessus. A la lecture de ses romans, cette cruauté semble être la seule vérité, la seule possibilité quant au fonctionnement humain. Le bon semble irrationnel et romancé. On retrouve ces notions avec une pointe de cynisme, dans son recueil de nouvelles « Little Tales Of Misogyny ».

Après des années d’exil en Europe – où ses œuvres atteignirent enfin la reconnaissance que les Etats-Unis ne daignaient pas leur accorder – Patricia Highsmith, âgée de 74 ans, décède à l’hôpital de Locarno en Suisse, non loin du village de Tegna au Tessin, où elle aura passé les 13 dernières années de sa vie dans la solitude la plus totale. Et preuve que l’écriture représentait chez elle un besoin, voire une compulsion, on découvrit après sa mort plus de huit mille pages de notes, journaux intimes, scénarios et manuscrits, dont les premières entrées datent de 1940 jusqu’à son décès. Tout est relaté sur papier. De ses états d’âmes et crises existentielles, au prix d’un paquet de sel en passant par ses ébats intimes avec de nombreuses conquêtes, et des comparaisons entre celles-ci.

L’étendue de ses biens et de ses manuscrits se trouve actuellement sous bonne garde aux archives littéraires suisses, à Berne.

Toutes ses œuvres – ses journaux le démontrent avec brutalité – bien qu’indéniablement de fiction, peuvent être méticuleusement reliées à des faits particuliers prenant place dans sa vie personnelle au moment de leur écriture. Nous laissant ainsi une panoplie de fictions meurtrières au contenu hautement biographique.

« I dabble in all the arts and make a mess of each. I am a person of many parts, with a goal beyond my reach »
« Je barbote dans tous les arts et sème en eux la discorde. Je suis une personne aux nombreux visages, avec un but hors de mes cordes. »
Patricia Highsmith, Cahier 26, 7 octobre 1961

 

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