Réalisateur entre autres de «La Méridienne », « Sauvage » et « Au sud des nuages », Jean-François Amiguet nous parle de son rôle au sein du jury du Festival du film et forum international des droits humains (FIFDH), à quelques jours de la cérémonie de clôture et de la remise des prix, le cinéaste suisse se confie…
Quelles sont vos premières impressions concernant cette 12ème édition du Festival du film et forum international des droits humains ?
– Après avoir visionné onze films ici, je peux dire que je suis absolument bouleversé. Il s’agit de films très personnels et pourtant, on a l’impression d’y être. Contrairement aux images qu’on peut voir au Téléjournal, ces films permettent aux spectateurs de se sentir impliqués. En sortant des projections je me dis que le monde va mal et que les atteintes aux droits humains sont partout.
Vous avez étudié les sciences politiques, puis fait du cinéma. Deux engagements. Comment est née chez vous cette conscience politique ?
– J’ai été profondément choqué par le coup d’Etat perpétré le 21 avril 1967 par la junte militaire en Grèce. Cet événement a éveillé ma conscience politique et à partir de là, j’ai eu envie de faire du cinéma et d’étudier les sciences politiques. Il faut dire que c’était dans l’air du temps et que nous étions très politisés à l’époque.
Comment allez-vous juger les films de votre catégorie Documentaire de création ?
– Plus jeune, j’aurais certainement eu des critères plus scolaires. Aujourd’hui, j’avoue fonctionner à l’émotion ! Certains films m’ont profondément troublé et je ne vous cacherais pas qu’il m’est arrivé de sortir des projections complètement dévasté. Cela dit, dans un deuxième temps, j’essaie de tenir compte de la question de l’adéquation entre la forme et le contenu du film.
Cette 12ème édition offre plusieurs regards sur les crimes de masse, la torture et bien d’autres sujets. Difficile de juger des films aussi poignants…
– Effectivement, ces films sont extrêmement poignants et nous n’en sortons pas indemnes. Pour un jury, il s’agit donc de tenir compte aussi bien des éléments irrationnels que de ceux qui relèvent de la raison pure. Heureusement, le « casting » effectué par Léo Kaneman (directeur du FIFDH) s’est avéré très cohérent.
Le FIFDH projette tant des fictions que des documentaires. Votre filmographie est, elle aussi, teintée de ce mélange des genres. Comment définiriez-vous la frontière entre ces deux genres cinématographiques ?
– Pour moi cette frontière est très ténue. Lorsque je réalise un documentaire, je tente de le mettre en scène comme s’il s’agissait d’une fiction et lorsque je suis confronté à une fiction, j’essaie de garder un regard « documenté », ancré dans le réel. « Au Sud des Nuages » illustre assez bien ce désir.
Godard disait : « Il ne s’agit pas de faire de cinéma politique mais plutôt de faire politiquement du cinéma ». Pour vous aussi l’acte de filmer est en-soi un acte d’insubordination ?
– Cette phrase est juste et belle ! Faire œuvre d’auteur relève parfois de l’acte de résistance. Toutefois en Suisse nous ne sommes pas confrontés aux problèmes que rencontre un cinéaste syrien ou iranien.
Est-ce un vœu pieux de penser que le cinéma puisse changer véritablement les choses ?
– Il est difficile de faire changer les choses avec des films, mais comment faire autrement ? Ce qui est important, c’est qu’ils donnent à penser.
Quelle fonction remplit pour vous le FIFDH ?
– Ce festival est une sorte de « go-between » entre des auteurs engagés qui tournent leurs films au risque de leur vie et des spectateurs potentiels dans des pays comme le nôtre. Un rôle de passeur donc, extraordinairement important dans l’époque trouble que nous vivons. Mais je vois aussi en ce festival une occasion de bousculer nos certitudes.