Très attendu par la critique en ce début d’année, le film de Bennett Miller a déjà eu une bonne carrière en festivals en 2014, ce qui lui a valu plusieurs nominations, notamment aux BAFTA et aux Golden Globes, ainsi que le prix de la mise en scène à Cannes. Malgré cette forte réputation, ‘Foxcatcher’ laisse de marbre.
Non loin de l’esprit de Truman Capote qui fit son succès en 2005, le réalisateur américain a fait un pari que personne n’avait osé faire avant lui : confier le premier rôle d’un biopic dramatique au Mister Bean des Etats Unis, Steve Carrell. La prestation de l’acteur habitué aux comédies a d’ailleurs été ovationnée par le monde cinéphile, et citée comme favorite à la course aux Oscars. Certes, et c’est avec ce point que l’on touche à la fois la qualité principale et le défaut majeur du film. Au même titre que ‘Dallas Buyers Club’ l’année passée, on ne peut s’empêcher de trouver à Foxcatcher une certaine lourdeur et une allure de film à Oscars.
Amérique, fin des années 1980, le médaillé d’or olympique de lutte Mark Shultz (Channing Tatum) est invité par le riche héritier John E. Dupont (Steve Carrell) ayant pour viseur les Jeux de Séoul de 1988. Passionné par le sport, le milliardaire propose au champion de mettre tous ses moyens financiers à sa disposition pour qu’il conserve son titre. Dupont en profite alors pour s’improviser coach et construire l’équipe olympique américaine de lutte, afin d’acquérir la reconnaissance de sa mère qui ne jure que par l’équitation. Mark, vivant dans l’ombre de son frère ainé Dave (Mark Ruffalo), également champion du monde de lutte, trouvera en Dupont le symbole d’un père adoptif et l’occasion de se détacher enfin de son frère. Le sportif, jeune et fragile, se laissera peu à peu embarquer par les excès et manipuler par son soi disant « père spirituel ».
Sur le papier, le trio d’acteurs était prometteur et force est de constater que le résultat est excellent. Channing Tatum confirme une fois de plus tout le bien que l’on pense de lui et livre une interprétation tout en retenue d’un sportif en mal être, immature et qui manque cruellement de confiance en lui. Steve Carrell est effectivement bluffant et glace le sang tant le mystère sur les pensées de son personnage plane durant tout le film. Quant à Mark Ruffalo, il livre la meilleure performance du film. Sans en faire des caisses, l’acteur joue vrai et l’amour qu’il porte à son frère est touchant dès la première scène où les deux protagonistes s’entrainent.
Passé la performance de ses acteurs, Bennet Miller apporte de très bonnes choses en terme de réalisation et de tension, filmant avec une lenteur pesante afin d’aller chercher en profondeur ce que l’acteur peut délivrer. Malheureusement, la lenteur se fait parfois trop ressentir, et même si quelques coups de génie humoristiques amènent de la légèreté au drame (la fameuse scène de l’hélicoptère où Carrell prend de la cocaïne est mémorable), le rendu reste très froid et trop lisse. À trop vouloir se concentrer sur la performance de son trio, Miller finit par sacrifier l’écriture et nous sert un film au rythme bancal et dépourvu de véritable fil rouge. L’histoire regorge de possibilités, mais aucun intérêt n’y est réellement prêté et les motivations des personnages restent assez floues et parfois peu cohérentes (l’arrivée de Dave dans l’équipe Foxcatcher). La mise en scène est à l’image de la relation entre ses personnages : d’un froid glacial.
Foxcatcher
De Bennett Miller
Avec Steve Carrell, Channing Tatum, Mark Ruffallo
Sortie le 21/01
Mars Distribution
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