Quatorze ans après le triomphe de « Gladiator », Ridley Scott renoue avec la fresque historique en nous offrant un film visuellement impressionnant, mais émotionnellement plat.
Le géant du cinéma Ridley Scott, connu entre autres pour avoir signé le retour en grâce des péplums avec « Gladiator » en 2000, insuffle une nouvelle vie aux aventures du prince Moïse dans « Exodus : Gods and Kings ». Inspiré du livre de l’Exode, le film conte l’histoire du leader prophétique Moïse (Christian Bale), chargé de libérer 600’000 esclaves hébreux des griffes du Pharaon Ramsès II (Joel Edgerton). Il doit ainsi les guider à travers le désert et les aider à échapper aux Dix Plaies qui vont s’abattre sur l’Égypte.
Dans « Exodus : Gods and Kings », Ridley Scott parvient à nous livrer un film qui détonne, sans jamais sombrer dans le dogmatisme dans ses questionnements religieux. Le réalisateur cherche à conférer plus de réalisme aux événements décrits dans l’Ancien Testament et choisit ainsi d’apporter une explication rationnelle à tout ce qui s’y déroule. S’éloigner de cet aspect religieux peut sembler être un choix osé, mais s’avère finalement payant, car cela permet au film d’être plus accessible dans ses propos en traitant de thèmes universels, tel que la lutte d’un peuple contre l’oppression. L’autre atout indéniable du long-métrage n’est autre que la qualité impeccable de son image et de ses effets spéciaux. La caméra s’engouffre dans les décors majestueux de l’Égypte Ancienne, qui sont mis en valeur grâce à des techniques efficaces comme de profondes plongées. Quant à l’effet de relief, son utilisation se justifie particulièrement lors de la séquence de la Mer Rouge, dans laquelle le spectateur a le souffle coupé devant ce spectacle somptueux et a l’impression de se faire engloutir par l’une de ces gigantesques vagues.
En revanche, si le film est un vrai choc visuel, il enchaîne les maladresses dans son scénario. Outre les dialogues insipides, qui parfois ne s’inscrivent pas dans l’époque, le long-métrage souffre de trop nombreuses coupes au montage. Les meilleures scènes semblent avoir été réduites les unes après les autres, ne laissant ainsi aucune opportunité à certains personnages de s’exprimer, ni de transmettre des émotions. Et le résultat s’en ressent : à plusieurs reprises, le spectateur se trouve dans l’incapacité de saisir les intentions des protagonistes, voire parfois même de comprendre l’intérêt de ceux-ci dans l’histoire. Un des exemples les plus flagrants est celui de l’actrice Sigourney Weaver, l’interprète de la mère du Pharaon, qui se retrouve reléguée au rang de figurante, mais peut-être à juste titre, tant sa brève prestation manque de crédibilité. Pire encore, Dieu apparaît sous la forme d’un personnage capricieux et impitoyable qui fait une démonstration de sa puissance sur les Égyptiens, sans apporter de justifications satisfaisantes quant à ses agissements et à ses choix. Heureusement pour Ridley Scott, Christian Bale possède l’intensité et le charisme pour donner un peu de substance à ses belles images. L’acteur incarne avec aisance ce personnage animé par des forces contradictoires, dont la conviction a été ébranlée suite à une révélation divine.
En résumé, « Gladiator » n’a rien à craindre de son petit frère « Exodus : Gods and Kings ». Ridley Scott aurait pu enrichir son dernier péplum s’il avait travaillé d’avantage ses personnages secondaires et s’il avait accentué le conflit entre Moïse et son frère le Pharaon, pour que le film bénéficie d’une véritable portée dramatique et poétique. On ne peut qu’espérer que ces lacunes seront comblées dans une éventuelle version longue du film, comme cela avait été le cas avec son autre long-métrage « Kingdom of Heaven ».
Exodus : Gods And Kings
De Ridley Scott
Avec Christian Bale, Joel Edgerton, Ben Kingsley
20th Century Fox
Sortie le 24/12