Efficace biopic de Dalton Trumbo, un scénariste qui aura marqué l’Histoire.
Nommé dans de prestigieuses compétitions telles que les « Screen Actors Guild Awards 2016 », les « Golden Globes 2016 » et les « Oscars 2016 », « Trumbo » n’aura, en revanche, décroché aucun prix. La faute à un film inégal qui aurait mérité de durer trente minutes de moins.
Réalisé par Jay Roach, qui fut en charge de films comme les « Austin Powers » ou la franchise « Mon beau-père et moi », on pourrait penser à une blague. Et pourtant, Jay Roach a réellement décidé de complètement changer de registre en s’attaquant à l’histoire de Dalton Trumbo, célèbre scénariste de la seconde moitié du 20ème siècle.
Dalton Trumbo, militant communiste devant l’éternel, voit son nom, et celui de ses proches amis cinéastes, être inscrit sur une liste d’indésirables d’Hollywood pour leur appartenance au parti communiste. Nourrissant l’espoir de pouvoir revenir sur le devant de la scène ainsi que de mettre en exergue l’absurdité de cette« Hollywood Blacklist », Dalton Trumbo parvient à se faire engager, sous couvert de pseudonymes, par des petits studios de seconde zone.
« Trumbo » se déroule en pleine guerre froide alors que les Etats-Unis vivent dans la crainte de l’ennemi russe et de ses sympathisants communistes. C’est le maccarthysme, une période de l’histoire qui fut marquée par un nombre incalculable d’arrestations pour des soupçons d’espionnage, souvent le fruit de délations par des proches ou à cause de vengeance personnelle. Il ne faisait alors pas bon penser autrement que son gouvernement, dont les lois s’adaptaient de façon à punir sévèrement les personnes soupçonnées de livrer des informations à l’ennemi.
La « Hollywood Blacklist » est le résultat de cette peur constante du communisme et de sa propagande aux Etats-Unis. En effet, à l’époque, les salles de cinéma étaient à la fois un lieu où on diffusait des films de divertissement, mais aussi les journaux télévisés. On y allait donc aussi pour s’informer. De ce fait, les hautes instances américaines avaient peur que des communistes puissent travailler dans l’industrie du cinéma et puissent jouir de leur statut pour divulguer au public des messages cachés de propagande communiste.
Étant actif au parti communiste, Dalton Trumbo fut vite placé sur une liste de personnes à surveiller, puis à interroger. Cependant, il refusa de répondre à la question suivante « Etes-vous membre du parti communiste ou avez-vous été membre du parti communiste ? » sous couvert du 1er amendement de la Constitution des Etats-Unis, qui interdit au Congrès des Etats-Unis d’adopter des lois limitant la liberté de religion et d’expression, la liberté de la presse ou le droit à s’assembler pacifiquement. Neuf autres personnes firent de même. On les appela « Les Dix d’Hollywood » et ils furent tous condamnés à des peines de prison de durées différentes.
« Trumbo » est un film dont le sujet est extrêmement intéressant et dont les enjeux et conflits des personnages méritent qu’on s’y attarde. Malheureusement, le rythme très lent proposé par Jay Roach, et la répétition de scènes quasi identiques nous lassent très rapidement. Si on ajoute à cela que le film dure plus de deux heures, on a là tous les ingrédients d’un film inégal, qui aurait mérité un meilleur montage. En outre, le film ne rend absolument pas hommage au métier de scénariste et dessert complètement la profession auprès du public et des jeunes scénaristes en devenir. En effet, il est montré plusieurs fois dans le film qu’un scénario de long-métrage peut être écrit en quelques jours, et ce sans grande difficulté. Dalton Trumbo était pourtant un scénariste extrêmement talentueux, il l’a prouvé en remportant deux Oscars (alors qu’il figurait toujours sur la Blacklist et devait, de ce fait, utiliser des pseudonymes pour travailler). Cependant, il paraît extrêmement peu probable qu’il ait pu écrire un scénario de qualité en trois jours. A la limite, il aurait pu réécrire un scénario en trois jours, car il est plus simple de travailler sur une base existante que d’écrire une histoire en partant de rien. En exposant la profession de scénariste de la sorte, on rabaisse son importance aux yeux des spectateurs. Comment négocier un salaire digne de ce nom quand la personne en face se dit que de toute façon le travail fourni a été fait en moins d’une semaine ? A l’heure actuelle, on compte entre six mois et une année complète pour écrire un scénario de qualité, en comptant l’écriture simple et les réécritures. On est bien loin des trois jours que montre le film…
Au-delà de cela, Bryan Cranston, qui interprète Dalton Trumbo, est excellent dans son rôle et tient le film à lui tout seul dès qu’on entre dans des temps faibles. Il a complètement su donner une caractérisation propre à son personnage en changeant sa façon de parler, de se tenir et de se déplacer. Sa nomination aux Oscars 2016 est amplement méritée et c’est ce type d’interprétation que les Oscars devraient récompenser, plutôt que de décerner cette prestigieuse récompense à des acteurs qui se roulent dans la boue par – 20 degrés. Il est de entouré par des acteurs très justes dans leur interprétation, même si on notera qu’Elle Fanning n’a rien à faire dans ce film (ou n’importe quel autre d’ailleurs). John Goodman, qui interprète un patron de studio, est LE personnage sympathique qui fait du bien dans ces moments de longueurs qui ont tendance à nous faire perdre notre intérêt pour le film.
En conclusion, « Trumbo » est un film porté par des acteurs de talent, qui parle d’une époque intéressante de l’histoire des Etats-Unis. Malheureusement, son rythme maladroit et l’incapacité de Jay Roach à maintenir notre intérêt sur toute sa durée handicapent son appréciation et sa note finale.
Dalton Trumbo
De Jay Roach
Avec Bryan Cranston, Diane Lane, Elle Fanning, Helen Mirren et John Goodman
Ascot Elite Films
Sortie le 27/04